L’Afrique du Sud a décidé d’obliger les opérateurs privés à partager les droits de retransmission des compétitions sportives avec les chaînes gratuites. De son côté, l’Union africaine de radiodiffusion va commencer les négociations en vue de la CAN 2021.
La Coupe d’Afrique des nations 2017 avait été l’occasion d’une polémique inédite sur les droits de retransmission des matches. Des droits qui avaient fait l’objet d’un bras de fer interminable entre les chaînes nationales subsahariennes et Lagardère Sports, qui détenait les droits. De nombreux groupes audiovisuels publics africains avaient, à l’époque, refusé de faire un effort financier pour acquérir les droits de diffusion, en clair, de la compétition. Un problème insoluble : en versant en 2015 une somme garantie de 1 milliard de dollars pour les douze années suivantes, Lagardère Sports & Entertainment devait rentrer dans ses frais. Les groupes privés comme beIN, Econet et Canal+ également.
L’Union africaine de radiodiffusion (UAR), l’association professionnelle de l’audiovisuel, était alors entrée en jeu pour une négociation âpre et revoir les prix à la baisse. L’UAR, indiquent ses dirigeants, « n’a pas pour vocation de faire augmenter les coûts de la commercialisation des droits de la CAN 2019 et 2023 ». Alors que chaque groupe audiovisuel devait s’acquitter d’environ 1,3 million d’euros pour diffuser l’ensemble de la CAN 2017 en clair, certains pays comme la Guinée-Bissau avait obtenu de jolis rabais. Bissau n’avait en effet déboursé que 300 000 euros pour cette CAN. Lagardère avait même quasi offert la diffusion de la CAN aux pays n’ayant pas de sélection engagée dans la compétition, les Comores, par exemple, n’avaient eu qu’à débourser 15 000 euros pour diffuser les matches en clair.
Des négociations qui se font au dernier moment
La négociation a tant duré, en 2017, qu’au début de la compétition, certains pays n’avaient pas encore réussi à trouver un accord avec les opérateurs privés et Lagardère pour une diffusion sur les canaux gratuits. Notamment les pays anglophones comme le Kenya, l’Ethiopie ou la Zambie. Il faut dire que l’attrait pour le football africain dans ces pays n’est pas le même qu’en Afrique francophone. D’autant que le marché de la télévision gratuite n’est pas le cœur de cible de Lagardère, qui ne devait récolter que 30 millions d’euros des droits de la part des télévisions nationales diffusant les matches en clair. Le principal des revenus du groupe provenant des chaînes cryptées, comme beIN Sports au Maghreb ou Canal+ en Afrique subsaharienne.
Mais la diffusion en clair est pourtant un véritable enjeu, social avant tout. Encore plus depuis la décision de la FIFA, en 2016, de lancer un appel d’offres pour la diffusion de l’ensemble de ses événements sportifs dans 42 pays africains. « La nouvelle équipe de la FIFA a fait le choix des opérateurs privés et mis entre parenthèses l’accord qui nous liait », indiquait alors Grégoire Ndjaka, directeur de l’UAR qui avait mis 13 millions d’euros sur la table pour acquérir les droits et diffuser les compétitions de la FIFA en clair. Mais la Fédération internationale de football avait refusé et s’était dirigée vers des diffuseurs payants, à l’instar de Canal+. Un autre problème réside dans le calendrier : les négociations entre chaînes gratuites et chaînes payants détentrices des droits se font souvent au dernier moment.
L’UAR découvre le business des droits télévisés
Depuis la résiliation du contrat entre Lagardère et la CAF, l’UAR, qui a obtenu de la CAF la gestion des droits de retransmission télé, découvre ce marché. Mais également le manque de volonté des opérateurs publics d’investir dans le football, qui pénalise avant tout le téléspectateur. Comme les Algériens en 2015. A l’aube de la CAN 2015, l’Algérie était entrée en conflit avec la CAF après avoir diffusé en clair des images d’un match de qualification contre l’Ethiopie, sans avoir payé les droits à beIN. Or, un piratage d’images par une chaîne publique peut provoquer l’élimination de la CAN d’une sélection nationale. Sauf qu’entre les diffuseurs et les détenteurs des droits, c’est deux poids-deux mesures. Alors que l’Algérie, mais aussi la Tunisie ou l’Egypte ont parfois été interdits de diffusion en clair, le Maroc avait réussi à obtenir gratuitement les droits de diffusion des matches de la CAN 2015 contre la production des images des matches. La compétition avait finalement été délocalisée ensuite en Guinée. En 2018, le seul pays maghrébin ayant obtenu la diffusion des matches de la Coupe du monde en clair était… le Maroc.
Un problème qui, en 2021, persiste. Qu’en sera-t-il pour la prochaine Coupe d’Afrique des nations ? L’UAR va entrer en négociations avec plusieurs Etats africains. En Afrique du Sud, les dirigeants se sont déjà positionnés quant à ces prochaines négociations. Le régulateur sud-africain de la communication, qui déplore la raréfaction de la diffusion en clair des événements sportifs, envisage la possibilité d’obliger les détenteurs de droits payants à les partager avec les chaînes en clair. Pour obliger les diffuseurs payants à partager les droits des retransmissions sportives, l’Afrique du Sud a indiqué que le sport était « d’intérêt public ». Reste à savoir à combien seront négociés les droits de retransmission. Si l’UAR a œuvré pour une baisse des coûts des droits, elle n’en demeure pas moins un opérateur qui doit rentrer dans ses frais, après que 34 pays d’Afrique subsaharienne lui ont donné mandat pour gérer les droits de retransmission : l’Union africaine de radiodiffusion a récemment interdit aux chaîne congolaises de diffuser le match Congo-Gambie, pour ne s’être pas acquitté de la somme due. Les négociations qui s’annoncent pour janvier prochain risquent d’être sportives. Business is business.