La nouvelle présidente tanzanienne, Samia Suluhu Hassan, a prêté serment le 19 mars. Elle s’est engagée à continuer le travail de son prédécesseur. Mais déjà, elle tente d’imposer sa méthode. De quoi attiser la curiosité de la communauté internationale.
Devant une salle pleine de dignitaires, le Coran dans la main droite et la main gauche sur la Constitution, Samia Suluhu Hassan est devenue la présidente de la Tanzanie jusqu’à la fin prévue du mandat du défunt président Magufuli. Dans un discours posé et doux — un contraste frappant avec la rhétorique tonitruante de son prédécesseur —, Hassan a solennellement annoncé 14 jours de deuil. « C’est le moment de se rassembler et de se connecter. Il est temps d’enterrer nos différences, de nous montrer de l’amour les uns envers les autres et de regarder en avant avec confiance », a-t-elle déclaré.
Consciente de la division qui ronge le paysage politique tanzanien et de la popularité du défunt président Magufuli, Samia Suluhu Hassan a su jouer la carte du deuil afin de rassembler le pays. « Ce n’est pas le moment de se pointer du doigt mais de se tenir la main et d’aller de l’avant pour construire la nouvelle Tanzanie à laquelle le président Magufuli aspirait », a-t-elle affirmé.
Continuité ou rupture ?
Les analystes disent qu’Hassan fera face tôt ou tard à la pression des puissants alliés de Magufuli au sein du parti, qui dominent le renseignement et d’autres pans du gouvernement, et essaieraient d’influencer ses décisions et son programme. Ceux qui s’attendaient à une rupture totale avec la manière de faire de Magufuli devront donc repasser. La nouvelle présidente tanzanienne cherchera à construire sa propre base, et elle ne pourra pas prendre de décisions unilatérales comme son prédécesseur.
Cependant, à court terme, Hassan va devoir affronter la gestion de la crise sanitaire, et donc décider de poursuivre les mesures, pour certaines aberrantes, de Magufuli ou être en rupture totale avec son prédécesseur. Une décision difficile malgré la défiance de Hassan envers Magufuli, alors que ce dernier était encore vivant : « Lorsque vous avez commencé à travailler en tant que président, nous étions nombreux à ne pas comprendre ce que vous vouliez réellement. Nous ne connaissions toujours pas votre direction », avait-elle déclaré publiquement en juin 2020.
Hassan peut aujourd’hui imposer son style. Néanmoins, les hommages récents que la présidente tanzanienne a fait en direction de son prédécesseur démontrent qu’elle est consciente des enjeux. On pourrait aussi penser qu’il s’agit d’une stratégie pour gagner du temps afin d’obtenir un soutien international qui l’aiderait à consolider le semblant d’unité nationale qu’elle a réussi à installer.
Entrée en force de Samia Suluhu Hassan
C’est justement au niveau international qu’Hassan brille. Au cours de son mandat de vice-présidente, elle a joué un rôle crucial dans le renforcement de l’intégration régionale plus approfondie en Afrique australe et a participé à la plupart des sommets des chefs d’Etat et de gouvernement de la CDAA au nom du président Magufuli.
Outre ses connaissances solides sur l’intégration régionale, Hassan joue aussi de son image, celle d’être la première femme présidente du pays : « A ceux qui doutent qu’une dame parvienne à gouverner la Tanzanie, je tiens à vous assurer que celle qui se tient ici est une présidente », a-t-elle fièrement déclaré.
Ses origines zanzibariennes et le fait qu’elle ait siégé comme membre de la Chambre des représentants de Zanzibar en 2000, ainsi que sa foi musulmane, faciliteront les accords économiques avec le sud-est asiatique. La Malaisie et l’Indonésie feraient des partenaires économiques parfaits pour la Tanzanie, qui peut s’imposer comme une référence en l’Afrique de l’Est pour ces marchés asiatiques encore inexploités.
Au niveau des projets de développement en PPP, selon les nouveaux accords économiques que conclura la Tanzanie, certains pays du Golfe arabe seraient des investisseurs potentiels dans les projets du gouvernement tanzanien sous Hassan.
La participation d’Hassan en tant que vice-présidente de l’Assemblée constitutionnelle tanzanienne en 2014 lui donne aussi un degré de légitimité non négligeable sur la partie continentale. Quant aux îles de Zanzibar, leur gouvernement d’union soutiendra naturellement la nouvelle présidente.
Les Etats-Unis sont les derniers en date à adhérer à la nouvelle Chef d’Etat tanzanienne. La vice-présidente américaine Kamala Harris a personnellement félicité Hassan pour son investiture le 20 mars sur Twitter. « Les Etats-Unis sont prêts à travailler avec vous pour renforcer les relations entre nos deux pays », a écrit Kamala Harris.