Ces dernières semaines, la Libye a été le théâtre d’opérations diplomatiques. Trois ministres européens des Affaires étrangères se sont succédés hier. La guerre en Libye est-elle enfin finie ?
Les trois ministres français, allemand et italien des Affaires étrangères se sont rendus en Libye le 25 mars dernier selon le journal Africa Intelligence. La Libye voit les diplomaties étrangères défiler sur son sol depuis que le nouveau gouvernement d’Abdelhamid Dbeibah a obtenu le soutien du Parlement le 8 mars dernier. La naissance de ce gouvernement a permis la signature d’accords historiques.
La Chine, la Russie, la Turquie et leurs alliés auraient accepté l’accord d’unité nationale en Libye. Cet accord a été officiellement parrainé par les Nations unies et lancé par les Etats-Unis. Ces derniers ont enfin réussi à faire bouger les Etats du Vieux-Continent, au moins dans un contexte diplomatique, pour ouvrir la route à une réconciliation avec la Libye.
L’Europe cède sous la pression internationale
La France a « une dette envers la Libye, très claire : une décennie de désordre ». C’est ce que le président français Emmanuel Macron a dit lors de sa rencontre avec les dirigeants libyens mardi à l’Elysée.
Des mots qui ressemblent à un aveu de culpabilité. En 2011, la France, dirigée par le président d’alors Nicolas Sarkozy, a promu et participé à l’intervention militaire qui a conduit à la chute du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Une chute qui a eu des effets dévastateurs en Libye.
Derrière cet aveu, des intérêts européens de taille : la France cherche à se repositionner au sein de l’UE, et des concessions sur le dossier libyen sont de mise, en l’occurrence l’intérêt italien pour le dossier de l’immigration, le tout soumis à la médiation allemande.
Berlin cherche aussi à remettre un prix de consolation aux Italiens qui assument tant bien que mal les flux de migrants en provenance d’Afrique, via la Libye, sans augmenter ses propres quotas ni ceux de la France. C’est dans ce contexte que Mario Draghi, le nouveau chef d’Etat italien, se rendra en Libye le 6 avril pour rencontrer Abdelhamid Dbeibah.
Les élections en ligne de mire
Le 24 décembre 2021, des élections inclusives se tiendront en Libye. Ce scrutin reste une priorité pour la nouvelle autorité intérimaire, qui bien que légitime, ne pourra pas entreprendre une réorganisation des institutions de l’Etat avant plusieurs mois. Au plus, le nouveau gouvernement devra maintenir la paix dans le pays, les différents acteurs présents au sein du gouvernement et les puissances mondiales doivent, en attendant, accepter le statu quo.
S’exprimant lors d’une réunion du Conseil de sécurité mercredi, l’envoyé de l’ONU en Libye, Jan Kubis, a déclaré que, pour que le scrutin ait lieu, « il est essentiel d’avoir des cadres juridiques et constitutionnels confirmés et clairs pour les élections présidentielles et parlementaires ». Il a insisté pour que « les Libyens et les autorités libyennes appellent les mercenaires et les forces étrangères à quitter le pays dès que possible ».
Court-circuit américain
Un point important dans le discours de Kubis a été l’insistance sur la réouverture de la route côtière reliant Misrata à l’est de la Libye. Il a parlé au nom de l’UE, entre autres, en affirmant que cette réouverture aurait lieu dans deux semaines, et qu’il s’agissait d’une priorité des membres du Comité militaire mixte 5+5.
La réouverture de la route maritime facilitera grandement la circulation du pétrole de Sarir, du golfe de Syrte et de Bir Zaltan hors de Libye sans traverser le centre du pays, encore sous le contrôle des tribus kadhafistes du Sud. Les puits de pétrole et les raffineries exploités dans ces régions le sont par la compagnie pétrolière nationale (NOC).
Le directeur de la NOC, Mustafa Sanalla, avait reçu une médaille de la part de l’ambassadeur américain le 25 février. Il avait facilité la circulation de la flotte pétrolière américaine vers l’est Libyen depuis. Au total, quatre nouveaux navires pétroliers circulent au nord de la Libye depuis le début de mars, ce qui ne doit rien au hasard.
On pourrait donc se demander si l’intérêt des Américains est la tenue des élections et la renaissance libyenne, ou la fluidité des échanges pétroliers avec le pays. Ce sont les Etats-Unis qui ont chaperonné l’installation du nouveau gouvernement dans les instances mondiales. Comment la Russie réagira-t-elle à ces initiatives, dans une région libyenne qu’elle contrôlait depuis des années ? La Turquie et le Qatar y verront-ils un énième affront d’Haftar ? Ou l’arrangement officieux avec les Américains incombera-t-il au nouveau gouvernement libyen ? Affaire à suivre.