Ah, le président tunisien ! Un phénomène politique plébiscité par 73 % des votants tunisiens il y a deux ans… Mais aussi un homme qui se renouvelle constamment. Et non pas comme pouvait le concevoir Churchill. Car Kaïs Saïed, c’est plutôt le spécialiste du changement de costumes. A la fois vieux-jeu, il a séduit la jeunesse tunisienne en 2019. Alors qu’il a été désigné calife de la Tunisie, il réunit pourtant toutes les qualités d’Iznogoud. Apeuré par l’avion, le voilà qui s’improvise astronaute. En envoyant son premier satellite dans l’espace, la Tunisie a permis au président de la République de s’offrir un moment de gloire. Mais à l’instar de la fusée transportant « Challenge One », le chef de l’Etat a traversé quelques turbulences ces derniers temps. Et si le satellite tunisien est aujourd’hui dans l’espace, le président Kaïs Saïed est, lui, plutôt dans la Lune. Trop occupé à contempler les performances spatiales de TelNet plutôt que de regarder la crise qui n’en finit plus, à quelques mètres de lui.
Kaïs Saïed aussi hors-sol que la fusée chargée d’emmener ‘Challenge One’
Lors du lancement du satellite, Kaïs Saïed a montré qu’il était aussi hors-sol que la fusée chargée d’emmener « Challenge One » loin de l’atmosphère terrestre. Il en faut peu pour être heureux en politique, après tout : en jouant sur la fierté et le nationalisme, le président de la République a fait croire au monde entier que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes en Tunisie. Un pays, a dit le chef de l’Etat, qui ne manque pas de ressources mais de « volonté nationale ». Mais à qui la faute ? Politiquement bloquée entre un chef du gouvernement qui voulait remanier son équipe de ministres et un président de la République qui, via une lettre écrite en calligraphie koufique, a montré à demi-mots qu’il détestait au plus haut point le système parlementaire tunisien, la Tunisie regarde Kaïs Saïed s’enfoncer dans la crise comme le satellite tunisien s’est enfoncé dans le ciel kazakh. Avec Hichem Mechichi, chef du gouvernement, et Rached Ghannouchi, président de l’Assemblée nationale, en spectateurs impuissants.
Kaïs Saïed pense venir « d’une autre planète »
Dans la jungle tunisienne, où les gens ne meurent pas de faim car ils s’endettent à en finir au bagne, la misère sociale guette et la bataille politicienne qui agite au plus haut sommet de l’Etat risque d’avoir de graves conséquences. Il est loin, l’état de grâce du président tunisien qui affirmait en décembre dernier venir « d’une autre planète ». « Quand je vois toutes ces manipulations et ces mensonges… Je suis resté stoïque et j’ai tenu bon ! », disait-il alors. Mais pour combien de temps ? Cet affrontement entre le président de la République et son chef du gouvernement risque d’enfoncer un peu plus la Tunisie dans les abîmes de la misère politique et sociale. Kafka n’aurait jamais imaginé un tel scénario, mais avec un président venu d’une autre planète, on pouvait s’attendre au meilleur comme au pire. Pour le moment, le pire a pris le dessus sur le meilleur. Et on ne voit pas comment la situation pourrait s’améliorer au pays d’Hannibal Barca.