Lancée il y a plus de deux ans, l’Agence africaine du médicament n’a toujours pas vu le jour. Le président rwandais tente d’accélérer sa mise en œuvre.
L’idée remonte à 2009 déjà. Depuis, c’est le statu quo. Sur le papier, l’Agence africaine du médicament (AMA) était un projet ambitieux. A l’époque, on le savait : créer cette agence prendrait du temps. Mais en fixant la date de lancement de l’AMA à 2018, les membres de l’Union africaine étaient loin d’imaginer qu’en 2021, le projet serait encore au point mort. L’objectif était cependant louable. L’AMA devait permettre de créer une harmonisation réglementaire, mais surtout assurer à tous les Africains l’accès aux médicaments à des prix abordables. Enfin, l’AMA allait permettre de développer une industrie pharmaceutique africaine.
Douze ans plus tard, l’AMA a avancé sur un seul point, la désignation d’un directeur, le Malien Michel Sidibé. Mais à quoi bon avoir un directeur si la structure n’existe pas ? Seize pays, parmi lesquels le Burkina Faso, la Guinée ou encore le Ghana, ont signé l’accord de création de l’AMA mais à peine deux, le Rwanda et le Mali, l’ont ratifié. Quels sont les blocages pour que cela prenne autant de temps ?
En décembre 2020, Michel Sidibé expliquait que le blocage n’est pas dû à « un problème technique mais c’est une question politique ». En cette période sanitaire compliquée, notamment à cause d’un accès limité aux vaccins, la situation peut-elle être améliorée ? « Il faut amener les chefs d’Etat à comprendre que la santé des populations est une question importante pour le continent », assure le futur directeur de l’AMA.
Lutte de pouvoir au sein de la future AMA
Et s’il s’agit donc d’une question politique, le président d’un des deux seuls pays ayant ratifié le traité de création de l’agence, Paul Kagame, espère bien en être le fer de lance. Au Rwanda, il a reçu Ibrahim Mayaki, le secrétaire exécutif de l’agence de développement de l’Union africaine. En tant que président du comité d’orientation des chefs d’Etat au sein de l’UA, Kagame espère convaincre ses homologues de l’urgence de ratifier l’accord.
Le président rwandais a jusqu’à juillet pour mettre la pression sur les chefs d’Etat africains. Mais pas seulement : le Rwanda espère mettre dans la boucle le secteur privé et l’industrie pharmaceutique.
Et le temps presse. Sans agence, c’est l’UA en direct qui gère les achats de vaccin, notamment dans le cadre de l’initiative Covax. Or, avec l’AMA, les choses auraient pu être différentes. « Une telle agence peut aussi faciliter la négociation de commandes globales dans des meilleurs délais et à moindre coût en mettant sur la table les besoins spécifiques des pays africains pour que personne ne soit laissé sur le carreau », affirme, rêveur, Dan Nouhou Briria, directrice au ministère nigérien de la Santé.
Un autre point de blocage réside dans la logistique : où serait basée l’AMA et quels pays obtiendraient des postes clés ? Au-delà de la santé, c’est sur ces points que discutent déjà les présidents. Ces questions bassement matérielles passées, l’UA pourra accélérer la mise en œuvre de l’AMA et profiter notamment de la création il y a quelques mois de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf).