Ce lundi 8 mars, le président sénégalais a gagné un peu de temps avec la libération, sous contrôle judiciaire, d’Ousmane Sonko. En début de soirée, Macky Sall s’est adressé à la nation. Il a appelé au calme, mais n’a annoncé aucune mesure concrète.
Malgré les manifestations matinales, le Sénégal a vécu une journée plus calme que prévu. Lundi matin, le juge a relâché l’opposant nationaliste Ousmane Sonko, accusé du viol d’une jeune femme puis d’« apologie de la violence », qui est désormais placé sous contrôle judiciaire. Sonko a rejoint son domicile vers midi et a participé à une conférence de presse organisée par le Mouvement de défense de la démocratie (M2D), dont fait partie sa propre formation politique, les Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (Pastef).
Les dignitaires soufis ont-ils lâché Sonko ?
Le 3 mars dernier, Ousmane Sonka avait mis en scène son trajet jusqu’à un tribunal de Dakar, filmant la scène pour ses comptes sur les réseaux sociaux. Il avait, suite à cela, été arrêté pour troubles à l’ordre public. Une arrestation qui avait déclenché des violences entre les forces de l’ordre et des émeutiers. Les violences se sont relativement calmées depuis mercredi dernier, mais elles ont refait surface vendredi après un appel à manifester de l’opposition.
Samedi, le dignitaire Mbacké, guide religieux de Sonko et khalife général des mourides soufis, avait demandé qu’aucune manifestation ne se déroule à Touba, la cité religieuse et sa demeure. Le chef musulman a aussi appelé à ce que les jeunes cessent les violences lors des manifestations. Le cheikh Saliou Mbacké a été présent aux côtés d’Ousmane Sonko lors de la précédente campagne présidentielle en 2019. Sonko avait terminé troisième, réunissant 15 % des suffrages.
Grand absent du mouvement pro-Sonko, ainsi que de la conférence de presse d’hier soir, Mbacké semble avoir lâché Ousmane Sonko. Une désolidarisation qui pourrait être due aux violences encouragées par l’élu d’opposition. Mais le khalife général des mourides soufis ne s’éloigne cependant pas complètement de Sonko : aucun dignitaire religieux ne s’est officiellement prononcé sur les charges de viol qui pèsent sur l’opposant.
Ousmane Sonko menace…
Lors de sa conférence de presse, Ousmane Sonko a appelé à continuer les manifestations, mais a insisté sur sa revendication principale, à savoir la libération des émeutiers arrêtés ces derniers jours. Il en a profité aussi pour menacer le président Macky Sall, en laissant planer une très hypothétique plainte devant la Cour Pénale Internationale (CPI).
A l’exception de cette menace, le discours d’Ousmane Sonko est resté paisible, à l’opposé de ses précédentes prises de paroles, lors desquelles il appelait à la révolte et se refusait à prononcer le nom du président Macky Sall.
Une heure plus tard, à 20 heures, le président Macky Sall s’est adressé à la nation lors d’un double discours en français et en wolof. Le président sénégalais a appelé à mettre fin aux émeutes. Dans son discours, Sall a tout d’abord présenté ses condoléances aux familles de ceux qui ont perdu la vie lors des manifestations. « Chaque vie perdue est un deuil pour la nation », a-t-il dit.
Néanmoins, Macky Sall a insisté sur la gravité des « dégâts matériels », sur les bâtiments publics saccagés et sur les entreprises pillées. Il a souligné qu’aucune excuse ne pouvait justifier les violences en cours. Le président a appelé la nation au calme et à s’exprimer de manière non violente.
Un dialogue avec la société civile, les responsable religieux et les syndicats
Macky Sall a poursuivi son discours en indiquant qu’il s’était réuni, ces derniers jours, avec différents représentants de la société civile, des instances religieuses, notamment catholiques, des ONG et des syndicats. Selon lui, toutes les personnalités rencontrées sont d’accord pour condamner les actes de violence de ces derniers jours.
Occultant l’arrestation d’Ousmane Sonko — Macky Sall a simplement redit que la justice était indépendante —, le président a joué la carte de l’unité, mettant le mécontentement sur le dos de la crise actuelle. « Je comprends vos crises et vos angoisses », a-t-il déclaré, sans toutefois proposer de solutions concrètes. « Ma priorité est la préservation de l’âme sénégalaise, ses sources de vie et d’épanouissement », a poursuivi le chef de l’Etat.