L’ambassadeur italien en République démocratique du Congo, Luca Attanasio, a été tué ce lundi matin au Nord-Kivu, à l’est du pays. Selon nos informations, il s’agirait d’une vengeance des rémanents du mouvement du 23 mars (M23).
Au début de sa carrière diplomatique, lorsqu’il travaillait comme consul au Maroc, à Casablanca, Luca Attanasio s’était lié d’amitié avec les représentants du groupe Trevi. La société Trevi Fondazioni négociait alors un accord de coopération avec le Maroc pour des contrats d’infrastructure aux alentours de Casablanca. Luca Attanasio avait facilité la transaction. Depuis, le diplomate a vu sa carrière décoller. En quatre ans seulement, il est passé du statut de vice-ambassadeur au Nigeria à celui d’ambassadeur d’Italie en RDC. Partout où se trouvais Luca Attanasio, des succursales de Trevi se sont installées.
En 2012, du côté de la République démocratique du Congo, un des chefs de la milice M23, Sultani Makenga, avait signé un accord avec le gouvernement pour se retirer de Goma, la région où Attanasio s’est donc fait tuer. A la suite de ce que certains, au sein de M23, estimaient être une trahison de Makenga, la milice s’était divisée en trois partie, la faction la plus fondamentaliste se rangeant derrière l’évêque évangéliste Jean-Marie Runiga Lugerero.
A cette époque-là, l’accord signé entre le M23 et le gouvernement de la RDC impliquait que l’exploitation des mines de coltan et de wolframite serait l’exclusivité des familles des membres du M23. Ce fut effectivement le cas entre 2013, quand Runiga avait déposé les armes, et 2017, lorsque Attanasio devint chef de mission à Kinshasa, deux ans avant de devenir ambassadeur.
Comme dans d’autres pays auparavant, dès son arrivée en RDC, Attanasio a ramené avec lui ses amis du conglomérat Trevi, qui ont obtenu un marché mineur de maintenance au port de Matadi, à Kinshasa. Ce contrat leur a permis, entre autres, d’importer et d’exporter des marchandises.
En 2018, Luca Attanasio a conclu un accord officieux avec les rémanents du M23 qui contrôlaient les mines du Nord-Kivu, afin de leur acheter le coltan et le wolframite contre une part des bénéfices. Mais Attanasio n’a pas tenu sa parole. Grâce à sa part des bénéfices, il a acheté de l’influence auprès du mouvement Cinque Stelle (M5S), le parti du Premier ministre italien en 2019, Giuseppe Conte, et du ministre des Affaires étrangères, Luigi Di Maio. Ce qui lui a valu une promotion. C’est à cette époque-là qu’Attanasio est devenu l’ambassadeur d’Italie en RDC.
Un règlement de comptes
Jean-Marie Runiga, entré depuis en politique, a adhéré au parti du président Félix Tshisekedi, l’ASP. Le matin du lundi 22 février, l’ambassadeur Attanasio traversait le Goma, au Nord-Kivu, en compagnie d’un convoi du Programme alimentaire mondial. Le convoi est tombé dans une embuscade d’hommes armés. Une confrontation sanglante : l’ambassadeur, ainsi qu’un gendarme italien qui l’accompagnait et son chauffeur, sont morts.
Selon nos sources dans la région, cet assassinat relève du règlement de comptes entre l’ambassadeur italien et ses anciens partenaires dans la région. Un contrat aurait été placé sur la tête de l’Italien par le conseil des ex-M23.
Reste aujourd’hui à déterminer le rôle de Runiga dans cette affaire. Bien que le M23 soit resté actif ces dernières années, il n’a jamais commis un acte de cette envergure. D’autant que des dizaines de Casques bleus sont déployés dans la zone et que de nombreux convois traversent régulièrement la région. Celui du diplomate italien aurait donc été sciemment visé.