En 2019, 32 pays africains se sont inscrits dans « l’AI initiative » de l’UNESCO. Certains d’entre eux ont investi dans le développement national de la recherche sur l’intelligence artificielle.
530 millions de dollars en 2022. Selon le cabinet International Data Corporation, le marché de l’intelligence artificielle (IA) devrait largement se développer et atteindre 530 millions de dollars d’ici l’année prochaine en Afrique et au Moyen-Orient.
Concept qui souffre de nombreux préjugés, l’IA peut avoir un véritable impact sur de nombreux secteurs : éducation personnalisée, transports plus sûrs ou encore meilleure gestion des énergies… L’intelligence artificielle promet au monde, et à l’Afrique en particulier, un bel avenir.
L’intelligence artificielle, c’est quoi ?
Qu’est-ce que l’IA ? L’intelligence artificielle est la simulation de l’intelligence humaine à travers le mode opératoire des machines. La méthode inclut forcément l’informatique, puisqu’il s’agit de l’unique science qui réunit la philologie et les mathématiques dans son application.
De ce point de vue, l’intelligence artificielle ressemble beaucoup à l’intelligence humaine, qui réunit l’intellect et l’expression de cet intellect dans ses interactions avec le monde extérieur. Mais tout comme pour les humains, la question déontologique de l’utilisation de l’intelligence à bon ou à mauvais escient subsiste.
Selon Sabelo Mhlambi, chercheur mondialement reconnu dans les IA appliquées et l’éthique de l’informatique, « avant de promouvoir l’utilisation de l’IA en Afrique, il faut s’assurer qu’elle soit libre des préjugés humains ». C’est exactement de cela dont il s’agit dans le contexte économique africain. L’un des principales forces de l’intelligence artificielle est que l’IA ne dépend que de son développeur, de son intelligence et de son engagement.
Mhlambi estime que le premier pas vers le développement de l’Afrique est la démocratisation de l’information, sa documentation et l’encouragement des programmes d’apprentissage en ligne en open source. De telles politiques pourraient libérer l’éducation et la recherche scientifique africaines de leur stagnation. Chaque propriétaire de PC ou de téléphone portable aurait ainsi accès à une plateforme de partage de connaissances gérée par l’intelligence artificielle. Cette dernière se développerait d’elle-même à travers les échanges des utilisateurs, ce qui garantit la coopération et la compétition saines entre ces derniers.
Il s’agit d’un investissement peu cher payé pour développer les ressources humaines des pays africains. Cet investissement devra être inévitablement fait par les Etats.
Le Maroc met les gaz
Certains pays l’ont d’ores et déjà compris. L’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) a lancé vendredi 19 février un nouveau centre de données qui accueille le supercalculateur le plus puissant d’Afrique. L’Université de Cambridge et les sociétés Dell et Intel ont participé à son financement, mais l’Etat y a mis la quasi-totalité de son budget prévu pour la recherche scientifique. C’est loin d’être un choix fait au hasard…
Ce centre de données de supercalcul africain (ASCC) est pourvu de 69 000 processeurs, plus de 8000 Tb de stockage et plus de 1 300 serveurs pour le réseautage, selon l’agence marocaine MWN. L’UM6P a déclaré que la mise en place de l’ASCC visait à fournir des ressources pour la capacité de recherche en Afrique. Cette recherche vitale sera concentrée dans les domaines de l’intelligence artificielle, la sécurité alimentaire, l’agriculture, les mines et l’analyse de données.
Les ordinateurs de haute performance (HPC) sont l’un des prérequis du développement automatisé de l’intelligence artificielle, et les champs d’application sont infinis.
L’université a déclaré que ce « supercalculateur aidera à garantir la souveraineté digitale du royaume et à développer des services informatiques 100 % marocains ». Une façon, donc, pour les pays de garantir leur souveraineté numérique.
L’IA contre le paludisme en Afrique
Depuis 1955, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé le GMEP, un programme d’éradication du paludisme en Afrique. Le programme se trouve au point mort depuis un bon moment. On peut s’étonner que le paludisme existe encore en 2021, mais pour les millions d’Africains qui en souffrent, les insecticides et la Chloroquine ne suffisent plus.
La société Sight Diagnoses, à travers l’association Zzapp Malaria, a conduit des tests de sa nouvelle intelligence artificielle en Ethiopie, au Mozambique, au Ghana et en Tanzanie. Cette intelligence artificielle a réussi à travers les données récoltées par les ministères de la Santé des trois pays, entre autres, à établir une carte proactive qui détermine les paramètres de propagation du paludisme.
La plateforme Zzapp Malaria est capable d’atteindre 100 % des plans d’eau dans les pays partenaires et de décider où et en quelle quantité utiliser les pesticides. La plateforme opère sur deux axes : une application mobile et un outil de planification pour les autorités sanitaires.
L’intelligence artificielle analyse le terrain en utilisant des images satellite et, selon les conditions météo et la migration des diptères, réussit à établir un plan d’action pour prévenir la propagation du paludisme.
La coopération entre Sight Diagnoses et les scientifiques africains des pays partenaires avance à merveille, quatre nouveaux pays africains ont sollicité l’aide de Zzapp Malaria afin de continuer à combattre le paludisme de manière plus efficace.
Les problèmes de l’intelligence artificielle trouveraient des solutions dans la philosophie africaine
L’intelligence artificielle automatisée, aussi surréaliste que cela puisse paraitre, évolue en fonction de ses interactions avec l’utilisateur. Autant le pacifisme africain a nui aux populations d’Afrique durant la colonisation, autant il pourrait présenter une solution aux tendances « expansionnistes » des intelligences artificielles.
Selon le Carr Center for Human Rights Policy, qui a étudié les préjugés des systèmes d’intelligence artificielle, « des programmes qui prédisent la récidive criminelle à ceux qui examinent les demandes d’emploi ont des origines qui remontent à l’expansion coloniale de l’Europe ».
Cet héritage séculaire trouverait son remède dans la philosophie Ubuntu. Cette philosophie panafricaine adopte l’empathie et la réconciliation pour canaliser la haine et la violence. Nelson Mandela en a parlé longuement durant ses discours.
C’est là la différence entre les sciences « dures » ou « exactes » et les sciences appliquées de l’intelligence artificielle. On peut, en quelques jours, inculquer des valeurs morales bienfaisantes aux IA les plus développées. Ces valeurs guideront les décisions des IA, de pair avec les informations dont elles disposent.
Par exemple, l’IA mettra toujours l’intérêt de la communauté avant les intérêts individuels, ou le contraire, selon leur codage et leurs interactions avec les utilisateurs.
Une appréciation plus large de l’Ubuntu pourrait, selon le professeur Mhlambi, conduire à des applications plus équitables de la technologie. Ceci serait bénéfique autant pour la technologie elle-même que pour ses utilisateurs, et surtout ses utilisateurs potentiels. Selon le professeur, les systèmes IA sont souvent construites sans examiner les autres systèmes en place, ce qui conduit généralement l’IA à exacerber les inégalités préexistantes dans l’espace digital.
Par exemple, un algorithme de recherche géré par l’IA privilégiera toujours l’espace digital américain ou européen à l’espace digital asiatique ou africain, peu importe la pertinence des résultats. C’est exactement pour cela que l’investissement dans l’intelligence artificielle pourrait, à terme, doter les pays africains d’un avantage au cœur des structures digitales déjà existantes, et prévoir l’évolution de cette technologie afin d’en amortir les effets néfastes.