Le 12 mars prochain, la Confédération africaine de football élira son président. Avec un enjeu de taille : se défaire de la tutelle de la toute-puissante FIFA. Revue d’effectifs, à moins de deux mois du scrutin.
Le scrutin aura lieu le 12 mars prochain à Rabat. La Confédération africaine de football est à un tournant : Ahmad Ahmad, son actuel patron, est embourbé dans des affaires de détournement de fonds. Après avoir été suspendu par la commission d’éthique de la CAF, qui l’a interdit d’exercer pendant cinq ans et de se présenter à la présidentielle du 12 mars, le Malgache a été réinstallé à son poste par le Tribunal administratif du sport (TAS). En toute logique, Ahmad Ahmad ne devrait pas se voir reconduit par ses pairs. La bataille sera rude, entre le Sud-Africain Patrice Motsepe, le Sénégalais Augustin Senghor et l’Ivoirien Jacques Anouma, tous les trois en pole position. Le Mauritanien Ahmed Yahya se place, lui, en outsider.
La CAF mise sous tutelle par la FIFA
Alors, qui des cinq candidats en lice réussira à se hisser en tête des votes ? Tout d’abord, il faut comprendre l’importance d’un tel scrutin. Ce sont les présidents de fédérations africaines qui élisent leur président et la politique a son mot à dire. Historiquement, la Confédération africaine de football a été créée grâce à un bras de fer entre la FIFA et deux pays, l’Egypte et le Soudan, qui, en 1956, menaçait de quitter la fédération internationale si la CAF n’était pas créée. Ces deux Etats réclamaient alors la reconnaissance des pays africains, anciennes colonies, un an après la conférence de Bandung, considérée comme la date de naissance du mouvement des non-alignés.
Oui mais voilà. Plus de 60 ans après les décolonisations africaines, la FIFA a réussi à mettre sous tutelle une CAF sous perfusion. On a pu l’observer avec la décision du comité d’éthique de la FIFA, totalement inféodé à Gianni Infantino, le patron de l’instance internationale. L’Italien avait déjà envoyé un message clair à la CAF en 2019, en demandant à Fatma Samoura, secrétaire générale de la FIFA, de réaliser un audit auprès de l’instance africaine. A Jeune Afrique, un ex-membre de la FIFA indiquait qu’Infantino avait « déjà réussi à imposer son influence en Amérique du Sud, en Amérique du Nord, en Amérique centrale et dans les Caraïbes, et en Océanie », mais qu’il avait « besoin de l’Afrique ». Et ça, concluait-il, « Ahmad Ahmad, le président de la CAF, l’a très bien compris ».
Vers le retour du « patriotisme africain » ?
Après s’être employé à devenir le pantin préféré d’Infantino, Ahmad Ahmad a finalement été sacrifié par son « tuteur », après avoir été rattrapé par ses déboires judiciaires. Nul doute que le patron de la FIFA a déjà jeté son dévolu sur un ou plusieurs candidats à la présidence de l’instance africaine. Le Mauritanien semble aujourd’hui bien s’entendre avec les responsables de la FIFA, là où un Senghor Senghor préfère miser sur le « patriotisme africain » et évitant à tout prix que « tout le monde se mêle des affaires du football » continental. « Nous devons décider nous-mêmes de ce que nous voulons », expliquait-il début 2020. Il n’était alors pas candidat à la présidence de mars prochain.
Le prochain président de la CAF aura fort à faire s’il veut s’extraire de la tutelle de la FIFA, dont le président préconise la mise en place d’une Coupe d’Afrique des Nations (CAF) tous les quatre ans. Devenue « le gentil toutou de la FIFA », comme ironise le journaliste Romain Molina (cf. vidéo ci-dessous), la CAF doit aujourd’hui reprendre son indépendance. Chaque candidat tentera donc de se mettre dans la poche un maximum des 56 fédérations qui voteront en mars prochain. Considéré comme le plus droit et le plus indépendant des candidats, Senghor est aujourd’hui favori, les francophones ayant mis la mainmise sur la présidence de la CAF depuis 1988 et l’arrivée d’Issa Hayatou à ce poste.