Hier, un 125e manifestant soudanais a été tué lors d’une manifestation contre les militaires. Ces derniers sont sous pression, mais tiennent toujours les rênes du pays.
Il s’appelait Ibrahim Majzoud et avait à peine 18 ans. En participant, ce mardi, à une manifestation contre le pouvoir militaire, ce jeune Soudanais savait qu’il prenait des risques. Car malgré le départ d’Omar el-Bechir en avril 2019, les manifestations se sont régulièrement poursuivies. Elles ont fait, depuis 2021, à ce jour 125 morts.
Les Comités de résistance populaire, qui sont à l’origine des mouvements d’hier, exigent depuis plusieurs mois le départ des militaires du pouvoir. Surtout, ils refusent une quelconque négociation et demandent que les civiles prennent les commandes du Soudan.
Cette fois, le meurtre du jeune Ibrahim Majzoud a permis de mettre les forces de l’ordre face à leurs responsabilités, car il a été filmé. Sur la vidéo qui circule sur les réseaux sociaux, on aperçoit le Soudanais qui ne commet aucune violence. Il est malgré tout chassé par un policier qui, avec son arme, tire plusieurs coups. L’un d’eux, au moins, a touché Ibrahim Majzoud dans le dos. Le jeune homme mourra quelques secondes plus tard.
Il s’agissait, a indiqué la police, d’une « action individuelle contraire aux ordres », qui a été commise par un policier. Ce dernier sera poursuivi et devra répondre de ses actes. Mais qu’en est-il des 124 autres meurtres de manifestants par les forces de l’ordre ?
Fin 2021, la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, avait condamné le meurtre d’une quarantaine de personnes au Soudan, depuis le coup d’État militaire du 25 octobre 2021. Une quinzaine de meurtres avaient alors eu lieu en moins d’une semaine.
Un « accord-cadre » qui ne sert à rien ?
« Suite à nos appels répétés aux autorités militaires et de sécurité pour qu’elles s’abstiennent de recourir à une force inutile et disproportionnée contre les manifestants, il est tout à fait honteux que des balles réelles aient à nouveau été utilisées hier contre des manifestants », avait déclaré la responsable, le 18 novembre 2021, accusant le pouvoir de vouloir « étouffer l’expression de la dissidence publique » et de commettre « des violations flagrantes du droit international des droits humains ».
En juillet 2022, le même Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU réclamait l’ouverture d’une « enquête indépendante » pour déterminer les responsabilités dans les meurtres de manifestants, le 1er juillet. Neuf personnes au moins, ce jour-là, avaient péri sous les balles des forces de l’ordre.
Malgré les appels répétés de l’ONU, le régime d’Abdel Fattah al-Burhane est toujours en place. Les manifestations, elles, se poursuivent chaque semaine. Le régime militaire peut-il se maintenir malgré les violences hebdomadaires ? L’Occident a un moyen de pression sur la junte : les aides au développement. Celles-ci ne seront entièrement versées que si les civils sont remis au pouvoir.
Mais l’ultimatum de Washington n’a, pour le moment, donné lieu à aucune avancée. En décembre dernier, des dirigeants militaires et civils ont bien signé un premier accord pour envisager une sortie de crise. Mais certains mouvements, comme les Comités de résistance populaire, refusent de négocier, alors que les Forces pour la déclaration de la liberté et du changement avaient paraphé cet « accord-cadre » que d’aucuns jugent flou.