Quatre ans après le célèbre discours du défunt général Sibusiso Moyo, auteur d’un coup d’Etat au Zimbabwe, son allié, le président Emmerson Mnangagwa se fait discret sur la scène internationale. Quel est son bilan ?
« Bonjour, le Zimbabwe. La situation dans notre pays est devenue inacceptable. Ceci est un coup d’Etat obligatoire ». Le 15 novembre 2017, Sibusiso Moyo, du haut d’un char et à travers un mégaphone, dans les rues de Harare, se lançait dans un discours historique.
Dans les médias et sur la toile, on qualifiait alors le putsch au Zimbabwe de coup d’Etat « soft ». Sur les réseaux sociaux, le hashtag #NotACoup avait fleuri. Pour beaucoup de jeunes, le dictateur Robert Mugabe semblait alors inamovible, après trois décennies passées au pouvoir. Il ne fallut qu’une semaine, après le limogeage et l’exil forcé du très populaire vice-président Emmerson Mnangagwa, pour que l’armée renverse Mugabe.
Un coup d’Etat qui avait pris tout le monde de court. Tant et si bien que, le 14 novembre, lorsque l’armée avait investi la capitale Harare, il fallut attendre que le président sud-africain Jacob Zuma appelle lui-même les putschistes et confirme qu’un coup d’Etat était en cours. Dans les rues de la capitale, les habitants, habitués à la présence militaire, vivaient leur vie comme si de rien n’était.
Un dictateur déchu… en douceur
Le soulèvement de l’armée, traditionnellement loyale au président Mugabe, s’était déroulé alors que les tensions au sein du parti au pouvoir, l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF), étaient de plus en plus vives. Depuis des mois, les deux stars montantes du parti, le vice-président Emmerson Mnangagwa et la Première dame Grace Mugabe, se disputaient la succession de Mugabe, alors âgé de 93 ans. Pour les Zimbabwéens, Mnangagwa, ancien allié de Mugabe, était le dauphin légitime, tandis que l’on préférait affubler Grace Mugabe d’un surnom peu élogieux : « Disgrace ».
Après l’arrestation de Robert Mugabe, les responsables de la junte militaire, Constantino Chiwenga et Sibusiso Moyo, lui demandèrent de démissionner. Ce que le vieux président refusa, malgré son abandon par le parti et l’armée. Le 19 novembre, le ZANU-PF destitua Mugabe en tant que chef du parti. Et le 21 novembre 2017, une session extraordinaire du Parlement se réunit pour accuser le président renversé d’exactions. Convoqué devant le Parlement, Mugabe réalisa la gravité de la situation et accepta de présenter sa démission.
Trois jours plus tard, Emmerson Mnangagwa prêtait serment et devenait le troisième président de l’histoire du pays, promettant « le début d’une nouvelle démocratie ».
Soutien de la communauté internationale
Si le président destitué, Robert Mugabe, et sa femme Grace furent les grands perdants du conflit politique larvé au sein du parti au pouvoir, ils furent graciés et libérés par le nouveau pouvoir. De son côté, Emmerson Mnangagwa décida de créer une alliance entre le pouvoir et l’opposition. Du Tsvangirai de Nelson Chamisa, au pasteur Evan Mawarire, jusqu’au seigneur de guerre Christopher Mutsvangwa, tout le monde appela alors les populations au calme et à la patience, en attendant « une transition vers une vraie démocratie » au Zimbabwe.
Lors du coup d’Etat, pas un coup de feu ne fut tiré et les militaires ne s’accrochèrent pas au pouvoir. Le nouveau président Mnangagwa a simplement cédé deux portefeuilles ministériels, dont celui des Affaires étrangères, afin de satisfaire l’armée.
Dans la communauté internationale, à l’exception d’une résistance de la part du président guinéen Alpha Condé, de son homologue zambien Edgar Lungu ou encore du chef d’Etat sud-africain Jacob Zuma, personne ne s’opposa à la prise de pouvoir de Mnangagwa. Et alors que Jacob Zuma participait à la réunion de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), avec quelques ministres des pays de la région, les pays occidentaux évitaient habilement de se prononcer sur la situation au Zimbabwe. Un silence qui prenait la forme d’un adoubement du nouveau chef de l’Etat.
Un bilan positif pour Mnangagwa
Quel est aujourd’hui le bilan du président ? Les indicateurs de développement montrent une nette amélioration de la situation depuis quatre ans. L’indice de développement humain ne cesse d’augmenter, plaçant le Zimbabwe dans le top 20 en Afrique, devant le Rwanda, le Cameroun, le Nigéria et même la Côte d’Ivoire.
Le président a également réussi à rétablir les relations diplomatiques avec la Chine, la Russie et plusieurs pays africains malgré l’embargo américain toujours en cours. Côté économie, l’augmentation du prix des carburants en 2019, et la fin de la contrebande des hydrocarbures qui avait mis l’économie à genoux dans les années passées, a fait baisser l’inflation de 18 % à 4 %.
Mnangagwa a, enfin, réussi à mettre en œuvre sa politique de « promotion de l’économie noire », qui consiste à laisser aux entreprises nationales la majeure partie de l’exploitation des ressources naturelles du pays. Une politique qui a permis de faire baisser le chômage de 9,7 % en 2017 à 6 % en 2021.
Malgré tout, le président zimbabwéen a été la cible d’une tentative d’assassinat en 2018, peu avant les élections de juillet. Les élections générales s’étaient pourtant déroulées dans le calme, Mnangagwa ayant remporté le scrutin avec 51 % des votes. Son parti, le Zanu-PF, occupe une majorité confortable au Parlement.
@edmnangagwa has said his administration will be able to push to fulfil its long-term plan of transforming #Zimbabwe into an upper-middle income economy in line with #Vision2030 if the illegal economic sanctions imposed by the #UnitedStates and other Western countries are lifted pic.twitter.com/PKRZURAIRo
— Vulindlela Ndabandaba (@VulindlelaNdab2) November 15, 2021