Huit mois après son élection, le président zambien Hakainde Hichilema aurait renoncé à son salaire. Déterminé à marquer l’histoire, le chef d’Etat tente de révolutionner le modèle économique de son pays.
La presse, qu’elle soit nationale ou internationale, a unanimement salué la renonciation du président de Zambie, Hakainde Hichilema, à son salaire et à ses nombreux avantages. Depuis son élection en août dernier, outre cet acte symbolique, l’ancien chef de l’opposition — le premier président issu de la droite libérale dans l’histoire du pays — avance également à grands pas dans sa « campagne contre la corruption ».
Fin mars, le chef d’Etat zambien annonçait personnellement l’arrestation de deux ministres du gouvernement de son prédécesseur Edgar Lungu. Et, dans la même annonce, il assurait que les avoirs saisis des anciens ministres seraient investis dans des bourses d’étude.
Pendant les mois de novembre et de décembre, Hakainde Hichilema a également fait le tour de l’Occident. Des pays européens aux Etats-Unis, il a plaidé la cause de la Zambie, en manque cruel d’investissements étrangers. Et dans son programme électoral, une promesse émerge : celle de convaincre le Fonds monétaire international (FMI) de prêter des fonds à la Zambie.
Mais au-delà de l’idéologie capitaliste du nouveau président zambien, que fait-il exactement pour renflouer les caisses de l’Etat et affronter la crise socio-économique ?
Les drôles d’amis de Hakainde Hichilema
Ce qui est certain, c’est que Hakainde Hichilema communique bien et se trouve souvent au bon endroit au bon moment. Son invitation à Washington par l’Institut des Etats-Unis pour la paix (USIP), où il a été célébré comme un « parangon de la démocratie », a fait beaucoup parler.
Hakainde Hichilema est aussi très proche du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, du chef d’Etat rwandais Paul Kagame, du président de la Banque mondiale David Malpass et de son homologue de la Banque africaine de développement (BAD) Akinwumi Adesina.
Le président zambien est également intime avec le pape François, le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borell, et, évidemment, la vice-présidente américaine Kamala Harris. Des personnalités à qui il a rendu visite ou qu’il a reçues pendant les mois de février et de mars, pour la seconde ou la troisième fois pour certaines.
De drôles d’alliances pour un président issu de l’opposition, et qui opine sans complexe quant au « fléau des dictatures » et à « l’exploitation de l’Afrique ». Si la communication de Hakainde Hichilema tranche avec celle de ses prédécesseurs, souvent discrets, elle sert de faire valoir au président zambien.
Car, Hakainde Hichilema ne s’est pas contenté de faire arrêter d’anciens ministres et de suspendre son salaire. Il a récemment, et inexplicablement, fait fermer la mine d’or de Kasenseli, exploitée par l’Etat. Il a annoncé envisager de la privatiser. De plus, Hakainde Hichilema a formé un gouvernement monopolisé par des hommes d’affaires et les banquiers — tous les ministres le sont, sans exception.
Hakainde Hichilema, lui-même entrepreneur et ancien banquier, a toujours des affaires en suspens contre lui devant la justice. Nommé lors de la fuite des documents de l’affaire Panama Papers en 2016, il a vendu son entreprise Axmin, qui lui servait, selon les rumeurs, à blanchir son argent.
En route vers l’impérialisme ?
Quoi qu’il en soit, Hakainde Hichilema a une bonne réputation auprès des ONG, de la « communauté internationale » et dans la presse. Ainsi qu’auprès des plus riches, même si peu de projets ont été concrétisés pendant ses huit mois de présidence. Les géants des mines, de l’infrastructure et de l’énergie frappent à sa porte pour investir en Zambie. Dernier en date, l’Indo-Britannique Vedanta Resources, qui a promis en décembre d’investir 1,5 milliard de dollars dans les énergies propres en Zambie.
Quant aux populations, il bénéficie d’une certaine popularité depuis l’annonce de sa décision de ne pas percevoir de salaire, comme l’ont fait avant lui les présidents Cyril Ramaphosa, Nana Akufo-Addo ou encore Uhuru Kenyatta. Encore faut-il que cette décision populaire de Hakainde Hichilema soit un vrai pas en avant. En 2018 déjà, Edgar Lungu avait réduit le salaire du président à 3 000 dollars mensuels, avantages compris.
Mais sur le plan de la diplomatie, Hakainde Hichilema est beaucoup plus transparent qu’en économie. Par exemple, la Zambie — traditionnellement non alignée — a voté pour la condamnation de la Russie dans le conflit ukrainien. Au sein de la Commission de l’Union africaine (UA), la Zambie a voté, pour la première fois en trente ans, contre la reconnaissance du Somaliland. Un vote annuel futile à l’UA, mais qui permet de faire un état des lieux de l’alignement des pays africains dans ce dossier.
Et il fait également peu de doute que la Zambie de Hakainde Hichilema se rapprochera beaucoup plus, et très vite, vers l’Occident. Mais dans une société imprégnée des valeurs socialistes, qui a souffert de l’apartheid, et dans un pays qui a vu couler beaucoup de sang pour prendre son indépendance vis-à-vis de l’empire britannique, Hakainde Hichilema réussira-t-il à convaincre tout un peuple de le suivre ?