Le président turc Recep Tayyip Erdoğan sera au Nigéria, en Angola et au Togo du 17 au 20 octobre, accompagné d’une délégation de l’industrie de l’armement. Une tournée qui intervient deux mois avant le sommet Turquie-Afrique.
Ethiopie, Maroc, Tunisie… Ces derniers temps, plusieurs pays africains ont commandé des drones de combat Bayraktar TB2, la fierté de l’industrie turque de l’armement. Le Maroc et la Tunisie ont déjà reçu, par ailleurs, leurs premiers drones la semaine dernière. Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, voit au-delà de ces pays et a décidé de débuter une tournée qui l’emmènera au Nigéria, en Angola et au Togo.
Officiellement, il s’agit pour le président turc de préparer le sommet Turquie-Afrique, qui se tiendra à Istanbul à partir du 17 décembre. En réalité, une délégation du Savunma Sanayi Baskanligi (SSB), l’agence qui fait office de conglomérat de l’industrie — publique et privée — turque de l’armement accompagnera Erdoğan lors de son voyage. La Turquie semble placer les équipements militaires au centre de sa stratégie de coopération avec les Etats africains.
En effet, à l’exception de la Libye, dont le gouvernement achète presque exclusivement des drones turcs pour renforcer ses capacités militaires depuis 2014, les pays africains ont tissé des liens différents avec Ankara. Il faut dire que la coopération diplomatique et commerciale avec la Turquie présente des avantages : les financements des entreprises privées turques tranchent avec le néocolonialisme des pays occidentaux. Et, malgré le scandale lié à l’usage de l’intelligence artificielle des drones Bayraktar pendant la guerre de Tripoli, ces appareils vendus à des prix abordables semblent attirer de nouveaux clients.
Le Bayraktar TB2, une arme très compétitive
Les « armes intelligentes » sont, depuis quelques années, une porte d’entrée pour la coopération militaire entre la Turquie et les pays qui mènent des guerres asymétriques aux pertes humaines élevées. En Ukraine, en Azerbaïdjan, en Libye, au Turkménistan et en Syrie, les drones Bayraktar ont fait leurs preuves, souvent lors de missions de reconnaissance, parfois au combat. Tant et si bien que les pays africains ont commencé à préférer les drones turcs aux drones américains et chinois — le prix d’un Bayraktar TB2 vaut trois fois moins cher qu’un Wing Loong 2, son homologue chinois.
Et il faut dire que les prouesses des Bayraktar TB2 dans la guerre dans le Haut-Karabagh et lors de l’assaut de Haftar sur Tripoli ont dissipé les doutes des clients potentiels.
Avec de bonnes performances et des tarifs peu élevés, les pays africains cherchant à renforcer leurs capacités militaires lorgnent donc plutôt logiquement vers la Turquie. D’autant que, au-delà des considérations politiques, Ankara fait du business avec tout le monde.
Les enjeux diplomatiques de Recep Tayyip Erdoğan
Mais pourquoi donc Recep Tayyip Erdoğan se déplace-t-il en personne pour promouvoir un produit déjà populaire ? Le sommet Turquie-Afrique se profile. Il se tiendra à Istanbul les 17 et 18 décembre prochains. Un rendez-vous qui prévoit d’accueillir une quarantaine de chefs d’Etat africains.
Le choix du Togo, du Nigéria et de l’Angola par Erdoğan est un choix diplomatique avant tout. Ces derniers mois, la Turquie a signé plusieurs contrats commerciaux avec Lomé et Luanda, et cherche à consolider sa présence dans les deux pays. Surtout, l’Angola tente de briser le monopole chinois qui, depuis quelques années, a mis à genoux les finances du pays. Quant au Togo, il se voit de plus en plus abandonné par Paris.
Là où les choses se corsent pour la Turquie, c’est vis-à-vis du Nigéria. Les relations entre Lagos et Ankara sont cordiales, mais pas privilégiées. Pour les analystes, une amitié naissante entre les deux pays et des partenariats militaires pourraient permettre à la Turquie de viser une région plus large : le Nigéria est très influent auprès des pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et des pays sahéliens.
Et si Recep Tayyip Erdoğan veut voir les chefs d’Etat des pays du Golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest répondre à son invitation pour le sommet, s’adosser à Muhammadu Buhari serait un argument de taille pour Ankara.