La Cour suprême des Etats-Unis a dédouané les géants d’agroalimentaire Nestlé et Cargill, ce jeudi, dans l’affaire des six Maliens forcés à travailler dans des plantations de cacao en Côte d’Ivoire lorsqu’ils étaient mineurs.
La Cour suprême américaine s’est rangée du côté des multinationales de l’industrie agroalimentaire, Nestlé et Cargill. Une action en justice affirmait que les deux sociétés, respectivement suisse et américaine, achetaient auprès de cacaoculteurs impliqués dans la traite d’enfants.
Six citoyens maliens, aujourd’hui adultes, avaient entamé l’action. Ils affirment avoir été emmenés du Mali alors qu’ils étaient enfants. Ils étaient forcés de travailler dans des plantations de cacao en Côte d’Ivoire. Les juges ont statué 8 contre 1 en faveur de Nestlé et de Cargill. Estimant que la cour d’appel avait eu tort de laisser le procès se poursuivre.
Néanmoins, l’ordonnance de non-lieu serait de nature technique. Selon Justice Clarence Thomas, l’un des juges de la Cour suprême, toutes les composantes du crime ont lieu à l’étranger. En effet, le plaidoyer des demandeurs se basait sur des « décisions opérationnelles majeures » prises par Cargill et Nestlé, aux Etats-Unis. Or, la cour d’appel des Etats-Unis pour le neuvième circuit avait justement jugé de la validité de l’argument en décembre 2020.
L’affaire est, effectivement, soutenue par l’Alien Tort Statute. Une loi qui permet aux citoyens non-américains de poursuivre les entreprises américaines aux Etats-Unis. Sous l’administration Trump, la Cour suprême a créé une jurisprudence limitant l’utilisation de cette loi. Le groupe malien a plaidé que Cargill et la branche américaine de Nestlé ont aidé et encouragé leur esclavage en tant qu’enfants. Les Maliens ont intenté un recours collectif en 2005 en leur propre nom et les milliers d’anciens enfants esclaves.
Le déni de justice par la Cour suprême américaine n’est pas une fatalité
Bien que la justice américaine ne puisse vraisemblablement pas juger Nestlé et Cargill, elle ne nie pas les éléments de fonds. La Cour suprême s’est contenté des circonstances du dossier. Ce qui constitue un autre exemple de tribunaux occidentaux imposant des limites strictes aux poursuites sur la violation des droits de l’homme en Afrique.
Selon l’avocat des plaignants, Paul Hoffman, Nestlé et Cargill seraient indubitablement complices. Il a déclaré : « Ils maintiennent un système d’esclavage des enfants et de travail forcé dans leur chaîne d’approvisionnement ». Hoffman a ensuite rajouté : « C’est un crime délibéré, dans la mesure où la traite d’enfants les munit d’un avantage concurrentiel direct sur le marché américain ». Ainsi, l’avocat du groupe malien estime que la justice américaine commet un déni de droit.
Un porte-parole de Nestlé a déclaré à Reuters que la société ne se serait « jamais engagée dans ces crimes flagrants ». Du côté de Cargill, on lit dans un communiqué : « Nous ne tolérons pas l’utilisation des enfants pour le travail manuel. Et nous luttons chaque jour pour l’empêcher ».
Toutefois, la décision de la Cour suprême américaine impute la juridiction à la justice ivoirienne. Dans le texte rédigé par Justice Clarence Thomas, on lit bien : « Presque tous les comportements qui – selon les plaignants – ont aidé et encouragé le travail forcé ont eu lieu en Côte d’Ivoire. De l’argent, à l’engrais, aux outils », a écrit le juge.
Cette affaire aura donc probablement une suite. La décision américaine ne tranche pas sur le fond, ce qui est plutôt encourageant. Selon l’ICI, environ 800 000 mineurs étaient engagés dans la culture de cacao en Côte d’Ivoire entre 2013 et 2014. Le phénomène ne fait que de s’aggraver face à l’arrivée de la réglementation inévitable de cette culture.
La Cour suprême des États-Unis a statué que les géants de l'alimentation Nestlé USA et Cargill ne peuvent pas être poursuivis pour esclavage d'enfants dans les fermes africaines d'où ils achètent leur cacao. pic.twitter.com/LVimWljT2B
— Goulizan (@Goulizan6) June 18, 2021