Selon la presse proche du pouvoir au Tchad et au Togo, la diplomatie togolaise aurait organisé, depuis des semaines, une série de rencontres dans le but de promouvoir le dialogue national tchadien.
Sur les presses tchadienne, togolaise et française, on apprend l’existence de plusieurs manœuvres diplomatiques, en vue de la réussite du dialogue national au Tchad. Les acteurs clés de ces négociations seraient le ministre des Affaires étrangères du Togo, Robert Dussey, ainsi que le président Faure Gnassingbé. Les émissaires des deux hommes auraient rencontré des représentants des groupes rebelles tchadiens. En l’occurrence le Front de la Nation pour la Démocratie et la Justice au Tchad (FNDJT), le Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR) et l’Union des forces de la résistance (UFR). Sans oublier, évidemment, le Front pour l’alternance et la concorde (FACT), supposément à l’origine de la mort de l’ancien président Idriss Déby Itno.
Depuis la mort du défunt président, et la succession de son fils Mahamat Déby, Faure Gnassingbé a multiplié les gestes amicaux envers le Tchad. D’un côté, le dossier tchadien représentait une voie vers la position diplomatique que l’Etat togolais tente d’occuper depuis des mois, celle d’un médiateur. D’un autre côté, l’échec togolais au Mali a freiné cette dynamique.
La sémantique des médias qui ont promu cette supposée « médiation » de Lomé dans le dossier tchadien témoigne de certaines ambiguïtés. Certains groupes rebelles se seraient retirés des pourparlers sur fond du refus tchadien d’une amnistie générale.
Le Tchad, point cardinal de la lutte antiterroriste au Sahel
L’intérêt de Faure Gnassingbé dans la diplomatie sahélienne est multidimensionnel. Tout d’abord, son intervention au Mali représentait une chance de retour en grâce pour le chef d’Etat vis-à-vis de la France. De plus, si l’on croit l’alerte du patron des renseignements français, le Togo, le Bénin et la Côte d’Ivoire seraient les cibles de l’exode des groupes terroristes sahéliens. Enfin, Faure Gnassingbé tente, tant bien que mal, de mettre en avant la stabilité de son pays face au chaos politico-sécuritaire qui règne dans les autres pays du golfe de Guinée.
Or, Faure Gnassingbé n’est pas seul en lice pour ce titre. Ses rivaux, qui affichent de meilleurs résultats pour un coût moins élevé, n’ont pas eu gain de cause auprès d’Emmanuel Macron. Le Bénin s’est recroquevillé militairement, comme le Togo qui n’en est finalement pas sorti plus favori. Quant à la diplomatie, l’hyperactivité de Robert Dussey au Mali et au Burkina Faso n’a pas abouti dans les deux pays. Les deux pays ne sont pas restés dans le camp français, finalement. Et cherchent la coopération économique et militaire auprès de l’axe algéro-russe.
C’est alors que le Togo a été délaissé par la France. Qui n’a pas obtenu le soutien français escompté par le déplacement de Gnassingbé à Paris le 18 mai, en marge du Sommet des économies africaines. Aussi, à l’avènement du dernier coup d’Etat au Mali, le Togo s’est retrouvé éjecté en faveur d’un médiateur de la CEDEAO.
Des ambigüités et de la sémantique
Ensuite, le Togo a affiché son mécontentement en se présentant aux portes du Commonwealth. Menaçant ainsi la France de quitter sa liste d’alliés en Afrique. Toutefois, si les médias français mettent en avant cette mystérieuse « médiation togolaise au Tchad », c’est qu’il y a une raison. Cela a commencé la semaine dernière, avec le retour au Tchad de Hassan Fadoul Kitir. L’opposant tchadien a passé 21 ans d’exil au Togo. Le surnommé « l’enfant terrible » aurait encouragé la rébellion du FACT de son exil. Et il était, jusqu’au coup d’Etat de Mahamat Déby, ennemi du pouvoir tchadien.
Toutefois, les tentatives de Mahamat Déby de faire réussir le dialogue national tchadien relèvent d’une volonté française. Le président de la France Emmanuel Macron a bien précisé qu’il « n’était pas pour un plan de succession, mais pour le maintien de la stabilité ». Cette stabilité passerait forcément par un accord entre les puissants opposants et chefs de guerre tchadiens et le jeune Mahamat Déby. Et c’est là qu’intervient Gnassingbé, l’exemple-même d’un « plan de succession stable » pour la France.
Entre Baba Laddé et Yaya Dillo, certains rebelles étaient revenus aux bonnes grâces de N’Djaména depuis des semaines. Grâce, notamment, à la médiation française et à une entente récente entre les Zaghawas, les Toubous et les Peuls du Tchad. D’autres, par contre, comme Mahamat Hally et Mahamat Mahdi Ali sont encore en guerre avec le régime Déby. Malgré la défaite du FACT, du CCMSR et la capture de centaines de leurs guerriers par l’armée tchadienne, ces rebelles plus politisés veulent se frayer un chemin vers le pouvoir.
Un autre fiasco pour Faure Gnassingbé ?
Cependant, les groupes mentionnés dans les articles de presse sont tout autant persécutés par la justice tchadienne. L’UFR, le FNDJT, le FACT et son allié le CCMSR ne pourraient participer à quelconque dialogue national s’il n’y a pas d’amnistie. Il est donc curieux de savoir quel serait le rôle du Togo dans le bourbier tchadien. S’il s’agit de convenir les revendications des rebelles, ces derniers le font très bien tout seuls. Chaque groupe armé tchadien a sa propre plateforme de communication, et les chefs rebelles sont plutôt loquaces.
Quant au retour au Tchad de Hassan Fadoul Tikri, il ne s’agit que d’un geste amical entre les gouvernements togolais et tchadien. La justice tchadienne poursuite encore Tikri pour une affaire de faux billets. Et cette affaire n’est même pas une priorité pour Mahamat Déby. Le président du CMT tchadien n’est pas plus conciliant avec l’Iran que Faure Gnassingbé ou Emmanuel Macron.
La question serait donc assez simple. Est-ce que Mahamat Déby serait prêt à gracier la totalité des rebelles et à relâcher les prisonniers de guerre ? Si oui, il pourra mener ses propres pourparlers. Autrement, Faure Gnassingbé et Robert Dussey essuieraient une autre défaite diplomatique. Quoi qu’il en soit, l’essor du dialogue national tchadien n’est pas dans les cordes de Faure Gnassingbé. Enfin, le seul manque à gagner ici pour les maîtres de la diplomatie de Lomé serait un titre de presse. Et il parait, aussi, que ces mystérieux « efforts diplomatiques », se dirigent vers un autre fiasco. Un coup de com de Faure Gnassingbé, sans doute. Mais dont l’essor n’est pas sans rappeler celui qu’ont connu les pourparlers maliens.