Au Tchad, après l’amnistie générale pour les rebelles, le dirigeant militaire Mahamat Déby multiplie les gestes envers l’opposition. Se dirige-t-on vers une refonte de la politique et de la diplomatie tchadiennes ?
Lors de la visite du chef du Conseil militaire de transition (CMT) du Tchad, Mahamat Déby, en Egypte début janvier, ce dernier aurait rendu visite à Tom Erdimi en prison. Alors qu’on le croyait en exil aux Etats-Unis depuis des années, deux ans après avoir disparu des radars, l’opposant tchadien Tom Erdimi était finalement détenu au Caire.
Une visite très significative, alors que Mahamat Déby avance à pas de géant dans ses pourparlers avec les rebelles et les opposants tchadiens. Le geste de Déby aura certainement une influence sur le dialogue de Doha, prévu au Qatar dans les semaines prochaines. Invité d’honneur : Timan Erdimi, frère jumeau de Tom, et président du Rassemblement des forces pour le changement (RFC) et de l’Union des forces de la résistance (UFR). Actuellement en exil au Qatar, Timan Erdimi sera le dernier chef rebelle à rejoindre le dialogue national sur la transition.
Dans le même temps, Mahamat Déby a aussi décidé de faire nommer quatre responsables du mouvement d’opposition civile Wakit Tama au gouvernement. Il s’agirait, selon toutes vraisemblances, de Mahamat Ahmat Lazina, qui retrouvera son poste de ministre de l’Environnement, de l’influent journaliste François Djékombé, du porte-parole du CTPD Jean-Michel Djerané et du militant Alain Kemba Didah.
Mahamat Déby cherche-t-il à s’affranchir de la France ?
Une lettre d’amour de Mahamat Déby pour l’opposition, donc. Et pas des moindres, car à la suite de l’amnistie générale de novembre dernier, le jeune putschiste et fils de l’ancien président s’est retrouvé abandonné par les diplomaties française et togolaise. Ces dernières n’auraient pas apprécié qu’il n’use pas de médiateurs pour les pourparlers.
Surtout, en réunissant autour de la même table Timan Erdimi, Mahamat Nouri, les chefs de Wakit Tama et les militaires, Mahamat Déby réussit ce que son père avait échoué à faire en trente ans. Le défunt président du Tchad avait toujours manœuvré autour des intérêts français, ou encore ceux des Emirats arabes unis (EAU) et de l’Arabie saoudite — depuis le début de la crise diplomatique arabe.
Or, le jeune Déby n’est pas tenu par la tradition diplomatique de son père. Et malgré l’appui mitigé apporté par Emmanuel Macron à la succession de Mahamat Déby à son père, la discorde entre N’Djamena et Paris n’a pas tardé à repartir. Au centre des relations franco-tchadiennes, la durée de la transition.
Si Mahamat Déby s’est assuré une mainmise qu’il voudrait voir continuer, la France a certainement ses propres plans pour le Tchad. Et Mahamat Déby semble s’éloigner de plus en plus d’Emmanuel Macron.
Militairement, le Tchad avait réaffecté son contingent nigérien dans le nord du Tchad le long de la frontière libyenne. Economiquement, le Tchad a conclu de nombreux accords commerciaux avec la Turquie, principale rivale de la France. Diplomatiquement enfin, Mahamat Déby tiendra ses pré-pourparlers à Doha, avant d’organiser sa table ronde à N’Djamena, et non à Paris comme l’avait suggéré en octobre le Quai d’Orsay.
Mahamat Déby a clairement affirmé que si la France n’investissait pas de fonds en faveur de la transition, cette dernière durerait autant que le CMT le jugerait nécessaire. Le statut de partenaire privilégié de la France au Tchad touche-t-il à sa fin ?