Des efforts diplomatiques de tous bords encadrent la situation en Centrafrique et au Tchad. La France se serait invitée au débat en mettant le Tchad en première ligne. Est-ce-que les efforts de la CEEAC suffiront à apaiser les tensions ?
Incapable de retrouver son influence dans la République centrafricaine (RCA), la France est intervenue de plusieurs façons. Au départ, les diplomates français ont soutenu politiquement l’opposant et ancien président François Bozizé. Ensuite, un espion français, proche de Bozizé, a été arrêté à Bangui. Depuis, un bras de fer entre la France et la Russie se joue en RCA. Or, l’efficacité militaire russe aux côtés de l’armée centrafricaine avait dissipé les doutes des populations sur les choix diplomatiques de Faustin-Archange Touadéra. Le président centrafricain est populaire et l’Etat commence à reprendre les territoires sous le contrôle de l’insurrection de la CPC de François Bozizé.
D’un autre côté, le Tchad est plus divisé vis-à-vis du président du CMT, Mahamat Déby. Des manifestations parcourent les rues tchadiennes, dénonçant ses relations avec la France. Et en marge de cette crise socio-politique, un incident diplomatique entre le Tchad et la RCA a eu lieu. Des miliciens ont tiré sur une patrouille des FACA et se sont réfugiés sur le territoire tchadien. Ce qui a causé un affrontement meurtrier entre les forces tchadiennes et centrafricaines.
Les chefs d’Etats de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) se sont donc rassemblés à Brazzaville. Ils ont discuté à la fois la crise politique tchadienne et les relations entre le Tchad et la RCA. Le président congolais, Denis Sassou-Nguesso s’est engagé à soutenir l’apaisement au Tchad. Et la Communauté a appelé à la retenue entre le Tchad et la RCA.
Extrait du discours du Président de la République, Président en exercice de la CEEAC à la conférence sur la situation au Tchad. (1/2) pic.twitter.com/Wo1R8Vwv7e
— Présidence de la République (@PR_Congo) June 4, 2021
Heureux les artisans de la paix, entre le Tchad et la Centrafrique
La réunion de la CEEAC a été marquée par l’absence de Mahamat Déby. Toutefois, son Premier ministre Albert Pahimi Padacké a rencontré le président centrafricain Touadéra à huis-clos. Au vu de la déclaration de Touadéra après le sommet, les pourparlers auraient abouti à une bonne conclusion. En effet, Touadéra, Sassou-Nguesso, Lourenço et Félix Tshisekedi ont annoncé qu’ils accompagneront la transition tchadienne.
Le rapport du Conseil de paix et de sécurité de l’Afrique Centrale (COPAX) a aussi réuni les chefs d’Etats autour d’une position commune. Le COPAX a souligné que le Tchad traverse une crise humanitaire grave. Et que les Etats de la région devaient lui venir en aide. Du côté de la RDC, une remarque a émané sur sa candidature au conseil de sécurité en concurrence avec le Gabon. Cependant le point n’a pas été abordé.
Le président de la Conférence des Chefs d’Etats, Denis Sassou-Nguesso a insisté sur le fait que « venir en aide aux 5,5 millions de Tchadiens en besoin d’intervention urgente passerait nécessairement par la stabilité politique ». Il considère que le Tchad devrait atteindre un accord national large autour de la composition du gouvernement de Padacké. La CEEAC a ensuite adopté à l’unanimité un soutien financier en appui à la transition tchadienne. La contribution centrafricaine au dialogue a d’ailleurs été positive. Aucune déclaration hostile n’a émané de la délégation de la RCA. C’était réciproque du côté tchadien.
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La France tente-t-elle de déstabiliser la Centrafrique ?
Par contre, du côté français, le président Emmanuel Macron et son ministre des Affaires Etrangères ont donné libre cours à un flux de déclarations incendiaires. Le président français a affirmé que « le président centrafricain est otage de ses conseillers russes ». Jean-Yves Le Drian a condamné « l’attaque des forces centrafricaines et russes contre le Tchad ».
Une position qui ne serait pas partagée par les parties prenantes. Si le Tchad avait réagi au départ en renforçant sa présence militaire, la diplomatie centrafricaine a justement accusé François Bozizé d’avoir fomenté ce « terrible malentendu ». Néanmoins, après la rencontre de Touadéra et Padacké à Brazzaville, les tensions sont clairement en train de baisser.
Toutefois, alors que les pourparlers se déroulaient à Brazzaville, l’ONU et l’Union européenne (UE) étaient en RCA. Jean-Pierre Lacroix, secrétaire général adjoint aux opérations de paix des Nations Unies et Charles Fries, du secrétariat général de l’UE, ont accompagné une délégation de la CEEAC et de l’Union africaine (UA) en Centrafrique.
Après l’entretien des diplomates européens avec le président Touadéra, ce dernier est parti à Brazzaville. Lacroix et Fries, eux, auraient rencontré Simplice Sarandji, ancien compagnon et ministre de Touadéra, mais qui se range actuellement du côté de l’opposition. Les diplomates ont aussi rencontré certains politiciens pro-Bozizé, profitant du voyage de Touadéra au Congo.
Il faudrait rappeler que Faustin-Archange Touadéra est hautement populaire en Centrafrique. La défaite politique de Bozizé, qui l’a amené à rejoindre officiellement l’insurrection armée résulte surtout de ce fait. Il se pourrait donc que la France cherche un remplaçant légitime à François Bozizé, qui pencherait plus pour les intérêts français. Ce facteur serait, selon plusieurs analystes, un fait à considérer dans la médiation entre le Tchad et la RCA. Ainsi qu’un élément important dans la participation centrafricaine à l’initiative de la CEEAC.