Au Sénégal, condamné pour diffamation, Ousmane Sonko attend son procès pour viols. Mais l’opposant ne veut plus se rendre dans les tribunaux, au nom de la « désobéissance civile ».
Il ne se présentera « plus devant cette justice pour répondre à quoi que ce soit ». À la veille de son procès en appel, l’opposant Ousmane Sonko avait prévenu qu’il ne se rendrait pas au tribunal, ni pour se défendre, ni pour entendre le verdict, qui a été alourdi — attaqué par Mame Mbaye Niang, le ministre du Tourisme, pour diffamation, Sonko avait écopé de deux mois de prison avec sursis, la peine est désormais passée à six mois avec sursis.
Au-delà de la peine prononcée par la cour d’appel, c’est l’attitude de l’opposant qui monopolise les médias. Il y a une semaine, Sonko avait qualifié ses procès de « farces judiciaires » et appelé à la « désobéissance civile contre la justice ».
Une « contrainte de corps » qui peut doucher ses ambitions politiques
Une façon pour Ousmane Sonko de mettre la pression sur Macky Sall, avec qui le leader des Pastef refuse de dialoguer malgré la main tendue du président sénégalais. Une façon aussi de prévenir qu’il refusera de prendre en compte quelque peine inéligibilité que ce soit et qu’il se portera donc candidat à la présidentielle de 2024, qu’importe les décisions judiciaires à son encontre.
Cette « désobéissance civile contre la justice », Sonko a une nouvelle fois eu l’art de la mettre en scène : habitué à filmer ses déplacements dans les tribunaux, il a cette fois symboliquement animé une séance du conseil municipal de sa commune, Ziguinchor, pendant que le procureur faisait sa réquisition de deux ans de prison, dont un an ferme.
Reste désormais à savoir ce que feront les avocats de l’élu. Car s’il appelle à la désobéissance civile, on imagine mal que la défense de Sonko fera un pourvoi en cassation. S’il est cohérent avec son discours, on imagine également que Sonko refusera de payer les dommages et intérêts qui s’élèvent à 200 millions de francs CFA. Or, dans ce cas, le parquet pourrait demander son arrestation, puisque ces dommages et intérêts ont été assortis d’une contrainte par corps. Un dilemme pour Ousmane Sonko : l’article L29 du Code électoral l’autorise pour le moment à se porter candidat à la présidentielle, mais s’il fait plus de trois mois de prison, inéligibilité pourrait être prononcée contre lui.
Une impasse stratégique pour Sonko ?
L’un des avocats d’Ousmane Sonko a dénoncé « une justice instrumentalisée ». De son côté, l’opposant a assuré que, « jamais dans l’histoire politico-judiciaire du Sénégal on n’a assisté à un tel acharnement contre un opposant politique innocent ». Avant de réaffirmer qu’il n’avait « jamais volé, violé, détourné ou corrompu ».
S’il affirme avoir « décidé de ne plus collaborer avec la justice et de ne plus (se) présenter devant elle », Ousmane Sonko sait cependant que c’est de la justice, justement, que dépend son avenir politique. Or, après sa condamnation pour diffamation, Sonko sait qu’il risque gros dès la semaine prochaine. C’est ce lundi 16 mai qu’il devra répondre aux accusations de viols. Et une peine pour viols provoquerait, de fait, une inéligibilité, comme le prévoit le fameux article L29 du Code électoral, qu’importe la peine.
En attendant de connaître le verdict de ce procès, la politique s’est invitée dans les prétoires. L’avocat du ministre du Tourisme a estimé que Sonko « intimide les magistrats parce qu’il se voit déjà président ». Il a également affirmé que l’opposant « manipule les masses » et s’est étonné que des Sénégalais « pensent que c’est l’homme qu’il faut » au pays.