Premier ministre du Sénégal tout juste désigné, Amadou Bâ doit désormais gouverner après avoir perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Fin septembre, alors tout récemment désigné Premier ministre par le président sénégalais Macky Sall, Amadou Bâ annonçait la composition de son gouvernement, très peu remanié par rapport au précédent. La coalition présidentielle était alors, à l’Assemblée nationale, majoritaire d’une courte tête grâce à un député indépendant qui avait rallié le groupe Benno Bokk Yakaar (BBY), Pape Diop.
Mais à peine deux semaines plus tard, le départ d’Aminata Touré a provoqué des remous. L’ex-cheffe de file de BBY lors des législatives a en effet claqué la porte de la majorité présidentielle et lancé son propre mouvement. « Je considère qu’il est plus que temps qu’on remette de l’éthique dans la politique. La politique ce n’est pas la ruse, l’abus de confiance et la préférence familiale, a expliqué en conférence de presse l’ancienne Première ministre. La politique peut et même doit s’accompagner de valeurs humaines, d’éthique et surtout de respect de la parole donnée et par dessus tout du respect de nos lois et règlements ». Une déclaration de guerre à Macky Sall, qui voit donc son ex-soutien se ranger dans les rangs de l’opposition.
Le départ d’Aminata Touré bouscule la majorité
La majorité absolue de BBY à l’Assemblée nationale est donc plus que jamais fragilisée. En effet, avec un siège en moins, Macky Sall perd théoriquement la majorité absolue à l’Assemblée. Alors que le Sénégal n’avait plus eu de dirigeant à ce poste depuis trois ans, Amadou Bâ semble déjà sur la sellette.
D’autant plus que la Constitution prévoit, comme dans d’autres pays, la possibilité d’une motion de censure de la part des députés. L’article 86 du texte indique en effet que « l’Assemblée nationale peut provoquer la démission du gouvernement par le vote d’une motion de censure ». Pour être recevable, cette motion doit « être revêtue de la signature d’un dixième des membres composant l’Assemblée nationale ». Et pour être effective, la motion de censure « est votée au scrutin public, à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale ».
L’ombre de la motion de censure plane
Autant dire qu’avec le départ de « Mimi » Touré, le maintien d’Amadou Bâ à la primature ne tient qu’à un fil. Cependant, le Premier ministre a deux avantages : celui d’avoir été désigné avant que BBY ne perde la majorité absolue. L’opposition pourrait donc attendre que la situation politique et sociale dans le pays se tende un peu plus avant d’agiter l’épouvantail de la motion de censure. De plus, si les groupes d’opposition ont été unis lors des législatives, force est de constater que les rangs sont de plus en plus divisés, au fur et à mesure que se rapproche la présidentielle de 2024. Une motion de censure qui serait votée à la majorité absolue est donc presque utopique.
En attendant, Amadou Bâ marche donc sur des œufs. Il peut gouverner mais doit désormais agir très vite pour s’attirer un soutien populaire. Car le Premier ministre le sait : si elle est désunie, l’opposition reste virulente et capable de coups d’éclat. Au moindre faux pas, ou si la situation sociale au Sénégal s’envenime, nul doute que les élus enclencheront l’article 86 de la Constitution et auront ainsi la possibilité de plonger le pays dans une paralysie politique dont il n’a pas besoin.