Après huit ans d’exil en Côte d’Ivoire, l’ancien président du Burkina Faso Blaise Compaoré est rentré à Ouagadougou, malgré sa condamnation à vie pour son rôle dans l’assassinat de Thomas Sankara. Que signifie ce retour au pays ?
« L’urgence de la préservation de l’existence de notre patrie commande une synergie d’actions qui ne nous autorise pas à nous donner le luxe de perdre du temps en polémiques », a déclaré le chef de la junte du Burkina Faso, Paul-Henri Sandaogo Damiba vendredi dernier. A ses côtés, se tenait l’ancien dictateur du pays Blaise Compaoré. Ce dernier avait pu accéder au pouvoir à la suite de l’assassinat du héros national et continental Thomas Sankara. Un crime qu’il avait commandité, a indiqué la justice, qui l’a récemment condamné à la prison à vie.
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Damiba et Compaoré se sont ensuite concertés, en présence d’un autre ex-président, Jean-Baptiste Ouédraogo. Ce dernier avait également organisé, le 21 juin, une rencontre tripartite avec Damiba et Roch Marc Christian Kaboré.
Mais Kaboré a refusé de participer à ces « pourparlers sécuritaires », que Paul-Henri Damiba dit vouloir organiser pour « forger une solide cohésion entre les Burkinabés ». Deux autres dirigeants burkinabés condamnés dans l’assassinat de Sankara ont également été absents : Michel Kafando et Isaac Zida.
Le rapide retour de Compaoré — il est reparti à Abidjan ce dimanche — est un pied de nez aux familles des victimes de l’ex-président. Une question s’impose d’ailleurs : en quoi la réconciliation entre anciens présidents est-elle la solution au terrorisme ? Ouédraogo, Kaboré et Compaoré ne commandent pas les actions des terroristes, et le Burkina Faso n’est pas divisé selon le soutien de tel ou tel ex-président…
Le Burkina Faso à la recherche de soutien militaire
Lors du séjour controversé de Compaoré au Burkina Faso, le président ivoirien Alassane Ouattara s’est sans doute porté garant. D’ailleurs, le conseiller du chef d’Etat ivoirien et ancien ministre des Affaires étrangères, Ally Coulibaly, accompagnait Compaoré.
En ce qui concerne le contexte, le Burkina Faso organise actuellement une opération militaire d’ampleur historique. En effet, du nord-est au sud-est du pays, une évacuation totale des civils est sur le point d’aboutir, afin de transformer les deux régions en zones militaires. Toutefois, dans cette zone de 13 000 kilomètres carrés, l’armée du Burkina Faso ne pourrait faire efficacement un ratissage sans l’accompagnement des pays frontaliers.
Si le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Ghana et le Niger avaient accompagné les forces de défense du Burkina Faso lors des opérations Koudanlgou 4, dans le sud, et Taanli 3, dans l’est, leur assistance dans la nouvelle opération est conditionnée.
Pour le Niger et la Côte d’Ivoire, la demande a été assez simple : si les Français ne font pas partie de l’équation, Ouagadougou devra chercher de l’aide militaire ailleurs…
Le Mali et Wagner, ou Barkhane ?
Le 22 avril dernier, deux délégations militaires du Mali et du Burkina Faso se sont rencontrées. Du côté burkinabé, les colonel Daba Naon et Yves Didier Bamouni — chef des opérations nationales et porte-parole des états-majors —, ainsi que le chef des forces spéciales Serge Kiendrebego ont assisté à la rencontre. Assimi Goïta a quant à lui envoyé son ministre de la Défense Sadio Camara et le chef du parlement de transition Malick Diaw.
Au centre de ces discussions à huis clos, un éventuel recours du Burkina Faso aux services des paramilitaires russes de Wagner, qui sont déjà actifs au Mali. Mais selon un proche du colonel Bamouni, chargé de conduire l’opération imminente au Burkina Faso, la junte voudrait tenter le tout pour le tout « avant d’avoir recours au soutien russe ».
Le 10 juin, le commandant de la force française Barkhane, le général Laurent Michon, a été reçu par Paul-Henri Damiba au Burkina Faso. Il semblerait, en examinant les dernières enquêtes sur le sujet, qu’Abidjan cherche à faire pencher la balance en faveur des Français plutôt que Wagner.
Car, commentant la rencontre entre les militaires maliens et burkinabés, Jeune Afrique révèle : « Les voisins du Burkina Faso surveillent aussi évidemment les choix opérés par Damiba en matière sécuritaire. Nul doute que Mohamed Bazoum et Alassane Ouattara, alliés de la France dans la région, tentent de le dissuader de suivre la voie malienne ».
Blaise Compaoré n’a-t-il donc été que le messager de Ouattara sur cette question ? L’ancien président du Burkina Faso est celui qui a été le plus soutenu par Paris. En tout cas, si Barkhane soutient le Burkina Faso lors de sa prochaine opération militaire, cela confirmera l’hypothèse.