Le Passport Index 2021, indice mondial de référence en termes de puissance des passeports, est sorti le 21 octobre dernier. Quels sont les passeports africains qui permettent de voyager le plus facilement ?
En 2016, un rapport de McKinsey indiquait que plus de la moitié des déplacements dans le monde sont touristiques et bien souvent intra-régionaux. Or, les ressortissants africains sont les voyageurs les plus confrontés au monde à des difficultés administratives, non seulement quand ils envisagent de voyager en dehors du continent mais aussi à l’intérieur. En Afrique, cependant, les habitants des différents pays ne sont pas logés à la même enseigne.
En Afrique, selon le plus récent indice mondial de la puissance des passeports de l’ONG Global Citizen Solutions, seuls deux pays se retrouvent dans la moyenne haute mondiale des passeports les plus puissants : les Seychelles et Maurice. Les deux pays insulaires profitent de leur situation géographique pour s’imposer en tant que paradis touristiques… et fiscaux.
Le classement du Passport Index examine la mobilité, mais également les opportunités d’investissement et la qualité de vie offertes par les pays. L’Afrique du Sud et le Botswana tirent leur épingle du jeu : les deux pays d’Afrique australe sont hautement industrialisés et leurs citoyens jouissent des meilleurs pouvoirs d’achat en Afrique.
Un classement qui réserve quelques surprises : on retrouve, à partir de la cinquième place, le Lesotho et la Tunisie, ex-aequo, suivis du Malawi, de la Namibie, de l’Eswatini, la Tanzanie et la Zambie. Et si les dix passeports suivants ne sont pas très éloignés, il faut surtout constater une chute du pouvoir des passeports marocain et nigérian, ainsi qu’une hausse de la puissance des passeports gambien, rwandais et tunisien.
La Tunisie et le Lesotho, deux surprises
La montée en puissance des passeports du Lesotho et de la Tunisie demeure un mystère. Le royaume enclavé d’Afrique du Sud est l’un des pays les plus pauvres de la planète. L’indice du développement humain (IDH) le place à la 167e position sur 188 pays. Il faut aussi relever un taux de vaccination contre la Covid-19 de 15,8 %, l’un des plus bas de la sous-région. Pourtant, le Lesotho s’en sort plutôt bien au niveau du classement des pays à risque sanitaire ou sécuritaire, bien mieux que l’Afrique du Sud. Et il profite de l’hégémonie diplomatique de ce dernier, bénéficiant d’une certaine facilité en termes de voyages : les habitants du Lesotho ont besoin d’une trentaine de visas à travers le monde, notamment vers les pays asiatiques.
Pour ce qui est de la Tunisie, avec une dette de 97 % de son PIB, une crise socio-économique, politique et diplomatique, rien n’explique pourquoi elle figure dans une position aussi élevée. Au niveau de la mobilité, la Tunisie s’est prise de plein fouet la réduction du nombre de visas décidée par la France, et le pays est régulièrement classé rouge pour les voyageurs occidentaux. Global Citizen Solutions semble avoir pris en compte le taux de vaccination contre la Covid-19 avoisinant les 40 %. Mais l’ONG ne compte visiblement pas les opportunités d’investissement en Tunisie, ou la qualité de vie — pourtant deux des trois critères—, tous les deux en chute libre depuis des années.
Les passeports du Maroc et du Nigéria chutent
En ce qui concerne le Maroc, outre la réduction des visas français, le royaume a surtout souffert les conséquences de la rupture de ses relations avec l’Algérie. Sans oublier, évidemment, la pérennité de la crise au Sahara occidental et les tensions avec l’Espagne et l’Allemagne, réduisant davantage les chances d’obtenir un visa Schengen pour les citoyens. Du côté du Nigéria, la crise sécuritaire a aliéné le passeport, même vis-à-vis des pays africains voisins. Aujourd’hui, les Nigérians ne peuvent voyager librement que vers 47 autres Etats, dont 20 sans visa.
La Gambie, la Tanzanie, le Rwanda et le Kenya sont sans aucun doute les grands vainqueurs de cette édition. Les passeports des quatre pays ont pris du poids pour des raisons différentes. Dans le cas de la Tanzanie, il s’agit surtout des efforts diplomatiques de la nouvelle présidente Samia Suluhu Hassan, qui a rétabli les relations avec les pays d’Afrique de l’Est, ainsi qu’avec les Etats-Unis et plusieurs pays asiatiques. Les Tanzaniens gagnent donc l’accès à sept pays sans visa, et deux pays avec visa à l’arrivée, soit neuf au total par rapport à 2020.
Le Kenya a également gagné gros au changement du régime tanzanien après le décès de John Magufuli. La récente ouverture du Kenya sur la Chine a généré un effet domino. Malgré une grave crise politique et plusieurs scandales, Uhuru Kenyatta est un partenaire privilégié de la nouvelle administration de la Maison Blanche, où il a été invité par Joe Biden deux fois. Le Kenya, pays pauvre mais jouissant d’un bon capital humain, est donc convoité par les deux plus grandes puissances mondiales.
Ensuite, le passeport du Rwanda a pris du galon grâce au rétablissement récent des relations avec la France et l’Europe. Ce qui a ouvert les frontières de plusieurs pays, notamment africains — comme la Côte d’Ivoire —, aux Rwandais, mais aussi les Antilles et Madagascar.
Quant à la Gambie, sa progression résulte des liens rétablis avec le Sénégal depuis la chute de Yahya Jammeh, affectant l’intégration ouest-africaine du pays. De plus, le président gambien Adama Barrow a établi un circuit diplomatique efficace avec les Etats arabo-musulmans, d’Afrique du Nord comme du Golfe ou de l’Asie du Sud. Un contexte qui permet aux Gambiens de visiter 37 pays sans visa et 24 avec un visa à l’arrivée.