Pour parvenir à l’accès universel à l’énergie d’ici 2030, le Sénégal doit doubler son taux d’électrification, déclare l’ONU. Le professeur américain Erik Nordman dresse une liste de solutions.
Une énergie abordable et propre est à l’origine de nombreux Objectifs de développement durable des Nations unies. L’énergie moderne, comme l’électricité et le gaz de pétrole liquéfié, est un besoin vital pour les industries et les ménages. Mais plus de 40 % des habitants des pays les moins développés du monde n’ont pas accès à l’électricité. Dans les pays développés, ce chiffre n’est que de 10%.
L’accélération de l’accès à l’énergie comporte d’énormes avantages, notamment des retombées économiques, une augmentation des heures d’étude et une réduction de la pollution. Combler ce fossé énergétique est, toutefois, une tâche herculéenne, peu de progrès ayant été constatés. Les investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique doivent être multipliés par cinq, si l’on veut atteindre l’accès universel à l’énergie d’ici 2030.
Le Sénégal apparaît comme celui qui a le plus progressé dans ce domaine, parmi les pays les moins avancés. Dans ce groupe comprenant 30 autres pays africains, il affiche un des taux d’accès à l’électricité les plus élevés et c’est le seul pays qui affiche un taux supérieur à 50 % avec un accès quasi universel (d’environ 85 %) dans les villes.
La population du Sénégal est jeune et en pleine croissance. Plus de 60 % de ses résidents ont moins de 25 ans et plus de 75 % des Sénégalais travaillent dans le secteur agricole. Cependant, des industries comme l’agroalimentaire, l’exploitation minière et la production d’engrais sont des secteurs tout aussi importants. L’amélioration des systèmes énergétiques permettrait de moderniser ces secteurs.
Pour atteindre l’objectif de l’accès universel à l’énergie d’ici 2030, les Nations unies déclarent que le Sénégal doit doubler son taux d’électrification. Actuellement, seulement 33 % des populations rurales ont accès à l’électricité. Le raccordement de leur maison au réseau centralisé est, toutefois, trop coûteux pour la plupart des ménages ruraux, et la construction de l’infrastructure de transmission durera des années.
L’an dernier, le Sénégal a pris des mesures pour relever ces défis, à commencer par la diversification de son mix énergétique. Environ 88 % de son électricité est produite à partir de combustibles fossiles, le reste provenant d’énergies renouvelables. Le pays entend augmenter la part de ces dernières à hauteur de 20 % d’ici 2017. L’un des moyens d’y parvenir est d’exploiter l’énergie solaire.
Le Sénégal mise également sur les micro-réseaux pour améliorer l’accessibilité à l’énergie. Ces micro-réseaux ont besoin d’un générateur d’électricité (fonctionnant au diesel ou avec des panneaux solaires, par exemple), d’usagers, d’un moyen de les connecter et d’un système de régulation du flux électrique. Ces dispositifs peuvent fonctionner de manière autonome ou être connectés au réseau électrique principal immédiatement ou ultérieurement. Ils peuvent contribuer à l’électrification des villages ruraux, comme cela a été observé au Ghana, où des micro-réseaux ont permis d’électrifier quatre communautés isolées, desservant 10 000 personnes. Bien que cela ne représente qu’une petite partie de la totalité de la population ghanéenne, ce projet prouve qu’il est possible d’améliorer l’accès à l’énergie dans les zones rurales grâce aux micro-réseaux et que ce modèle peut être reproduit ailleurs.
Énergie solaire
Au Sénégal, la consommation d’électricité par habitant, évaluée à 221 kWh par an, est sans doute plus élevée dans les villes où l’accès à l’électricité est supérieur. En 2017, la plus grande centrale solaire d’Afrique de l’Ouest a été inaugurée au Sénégal. Cette infrastructure de 30 MW raccordée au réseau accroît de façon substantielle la capacité de production d’électricité nationale, qui est de 650 MW. Selon une première estimation, elle pourrait produire environ 48 millions de kilowattheures d’électricité chaque année, soit l’équivalent de la consommation annuelle de plus de 215 000 Sénégalais.
Le Sénégal compte plusieurs autres projets sur l’énergie solaire, achevés ou en cours de construction. La compagnie d’électricité La société d’électricité publique a lancé un appel aux entrepreneurs qualifiés pour la réalisation de nouveaux projets connexes d’une capacité de 100 MW supplémentaires. Il s’agit entre autres d’une centrale solaire de 15 MW raccordée au réseau de la ville de Thiès, près de Dakar –- un projet impressionnant qui favorisera l’accès à l’énergie dans les localités peuplées de l’ouest du Sénégal.
Toutefois, pour parvenir à l’accès universel à l’électricité pour les 15 millions de Sénégalais, il faudra investir bien davantage dans des sources de production et des modes de distribution diversifiés, dont les connexions au réseau et les micro-réseaux indépendants.
Micro-réseaux
L’expansion de la production d’électricité à partir du réseau, bien qu’importante, reste insuffisante, en particulier dans les zones rurales qui ne sont pas raccordées au réseau. La plupart des ménages n’ont pas les moyens de payer les frais de raccordement et la construction d’une infrastructure de transmission prend des années. Des millions de personnes sont donc privées d’électricité dans l’attente d’un raccordement au réseau.
Grâce aux micro-réseaux, les zones rurales peuvent disposer d’un accès à l’électricité sans passer par la construction longue et coûteuse d’un raccordement au réseau.
Avec le concours de la Banque mondiale, le Sénégal et d’autres pays africains investissent dans les micro-réseaux. Le cadre réglementaire le cadre politique de ce pays leur est favorable. Sa politique comprend à la fois une approche descendante pour les micro-réseaux relativement importants couvrant de vastes zones et une approche ascendante pour les entrepreneurs désireux de construire de petits micro-réseaux dans les zones rurales.
Le gouvernement sénégalais a également lancé des appels d’offres pour des projets de micro-réseaux de plus grande envergure. À titre d’exemple, un service public marocain a remporté un appel d’offres pour la construction d’un micro-réseau permettant de desservir 21 800 ménages. Une autre innovation prometteuse à signaler est un projet d’énergie solaire hors réseau de 2 MW avec stockage dans sept sites reculés.
Le Sénégal l’a démontré : il existe plus d’une approche à suivre pour offrir des services énergétiques modernes. Tout au long de l’année 2017, ce pays a montré que les centrales solaires à grande échelle, raccordées au réseau, complètent les micro-réseaux isolés afin de fournir une électricité propre, fiable et abordable aux habitants des zones rurales et urbaines. Les efforts déployés pour atteindre le « dividende de l’accès à l’énergie » aideront le Sénégal à sortir de la liste des pays les moins avancés.
Erik Nordman, Professeur associé, Grand Valley State University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.