Macky Sall, le président sénégalais, pourrait annoncer dans quelques jours qu’il ne se présentera pas à la présidentielle de 2024. De quoi lancer la campagne… et déstabiliser la classe politique !
Il parlera après la Tabaski. Le président sénégalais Macky Sall a déjà pris la parole, ces derniers jours, pour faire le bilan de son dialogue national, mais ne s’est pas encore prononcé sur ses intentions pour la présidentielle à venir. Ces dernières heures, pour la grande fête musulmane, Dakar s’est vidée de ses habitants, partis célébrer ce moment en famille, deux semaines après les manifestations qui avaient suivi la condamnation d’Ousmane Sonko. Le temps de quelques jours, donc, la politique se met en pause. Il n’est pas question pour le président de perturber cette Tabaski.
Mais dès que la vie reprendra son cours, il s’agira pour Macky Sall d’annoncer clairement ses intentions. Il l’a promis, non sans une certaine dose de suspense d’ailleurs. Un suspense qui dure depuis longtemps. Dans une interview donnée au magazine français L’Express, le chef de l’Etat sénégalais avait assuré que le Conseil constitutionnel avait estimé, au moment de la réforme constitutionnelle que son « premier mandat était intangible et donc qu’il était hors de portée de la réforme ». Ajoutant, donc, que « la question juridique est donc réglée » quant à la légalité d’un troisième mandat.
Macky Sall, poussé par son entourage
L’on pensait alors que Macky Sall serait candidat à sa propre succession. C’était même une évidence, aussi bien pour ses opposants, à l’instar d’Aminata Touré qui affirme aujourd’hui que le président cherche « à légitimer un troisième mandat juridiquement et moralement inacceptable » ou même de ses partisans qui assurent, notamment au sein de son parti, qu’il n’ont « ni plan B ni plan Z » si Macky Sall venait à jeter l’éponge pour la prochaine présidentielle. En effet, difficile de trouver un dauphin assez solide pour représenter le parti présidentiel. Même Amadou Ba, le Premier ministre, est bien loin d’être prêt.
Mais depuis quelques jours, la tendance est à l’annonce d’une non-candidature de Macky Sall. D’abord, parce que le président, même s’il assure qu’il a légitimement le droit de se présenter, a déjà à plusieurs reprises promis qu’il ne rempilerait pas en 2024. « Pourquoi engager une discussion sur un débat de 2024 ? Un débat qui n’a pas lieu d’être puisque je suis dans la logique de ne pas dépasser deux mandats si le peuple sénégalais me fait confiance en 2019 », avait-il dit en 2017, avant d’inscrire noir sur blanc, deux ans plus tard dans son livre « Le Sénégal au cœur », qu’il briguait son « deuxième et dernier mandat ».
Le juridique réglé, place à la politique
Mais alors pourquoi Macky Sall a-t-il laissé planer le doute, depuis décembre 2019 ? Interrogé par la presse sénégalaise, il avait alors répondu « ni oui, ni non » à une question concernant une éventuelle nouvelle candidature en 2024. Selon des sources proches du palais, Mack Sall s’était laissé griser par un entourage qui le poussait à « y aller ». Jusqu’à récemment, où des proches du président ont assuré que ce dernier serait candidat, toujours en off. En réalité, précisent d’autres sources bien informées, Macky Sall attendait d’étudier le contexte politique pour dire clairement les choses. On le disait alors, en privé, plutôt « évasif » au moment d’aborder cette question. Seule certitude : « Macky Sall ne veut surtout pas laisser le pays à Sonko, qui n’a aucune expérience et aucun projet pour le pays », affirme, sous couvert d’anonymat, une source proche de l’entourage du président.
Après les dernières séries de manifestations, Macky Sall aurait pu faire le forcing. « Il est solide et peut subir la tempête, plier sans rompre, pendant plusieurs mois », assure un de ses ex-collaborateurs qui n’hésite pas à rappeler qu’« en tant qu’ancien ministre de l’Intérieur, il est capable de résister à la rue sur cette question du troisième mandat ». Mais le veut-il réellement ? Le président pourrait en effet très bien suivre la voie d’un Alassane Ouattara qui, après avoir lutté lors d’une campagne médiatique qui lui était hostile, coule aujourd’hui un troisième mandat tranquille. Mais le Sénégal n’est pas la Côte d’Ivoire. Si son homologue ivoirien avait tenu tête à Emmanuel Macron, qui lui conseillait de ne pas se représenter, Macky Sall peut de son côté sortir par la grande porte en annonçant qu’il ne se représentera pas, là où Ouattara restera le président du troisième mandat illégitime.
Un joli coup politique ?
Après une année passée à la présidence de l’Union africaine, le président du Sénégal sait qu’il est en capacité d’obtenir un poste prestigieux à l’international. Il est encore jeune — 61 ans — et dispose d’un réseau très vaste. Il sait également qu’annoncer son départ, au terme de son deuxième mandat, au moment où son pays subit une crise politique et économique sans précédent, particulièrement depuis le début de la guerre en Ukraine, serait largement salué par la communauté internationale. Enfin, en termes de politique nationale, cela représenterait un joli coup politique : Ousmane Sonko existe aujourd’hui grâce à son discours anti-troisième mandat. S’il annonce sa non-candidature dans quelques jours, Macky Sall mettra fin à un débat qui empoisonne la vie politique. Et les candidats pour 2024, eux, n’auront désormais qu’une obligation : parler de politique. Enfin.
Et c’est ce qu’attend l’Alliance pour la République. Car « il serait injuste de résumer le bilan de Macky Sall aux dernières manifestations », rappelle un observateur de la vie politique sénégalaise. Le chef de l’État « a fait d’énormes réalisations qu’aucun président n’a pu faire de Senghor à Wade en passant par Diouf », résume à VOA un Sénégalais qui n’a pourtant jamais voté pour lui et qui rappelle que « les infrastructures qu’il a construites en témoignent. Les ponts, le Bus Rapid Transit, le Train Express Régional sont parmi toutes ses réalisations qui montrent que son bilan est plus que satisfaisant ». Un bilan que tentera de défendre l’Alliance pour la République qui prépare une évaluation détaillée, confiée au ministre Mor Ngom, en vue de l’élection de 2024. Un bilan pollué par un débat que Macky Sall n’a pas voulu — en tout cas pas si tôt — lancé par ses opposants.