La superficie de l’Afrique est plus grande que celles des Etats-Unis, de l’Europe et de la Chine combinées. Pas évident à savoir lorsqu’on observe une carte du monde. Un débat historique entoure cette affaire.
La carte du monde est une projection du globe terrestre, qui est à son tour une déformation de la première. C’est pour cette raison qu’en observant un planisphère, l’Afrique semble beaucoup plus petite qu’elle ne l’est réellement.
Depuis que Gerardus Mercator, en 1539, a projeté la carte du monde sur la première représentation connue de la Terre, en ellipsoïde, sa représentation a monopolisé la perspective que les humains ont de la mappemonde. Tant et si bien qu’au fil du temps, les scientifiques de tous bords ont à leur tour repris la forme tridimensionnelle de Mercator pour la cartographie.
La perception commune est que l’Afrique est très grande. Sa superficie de 30 millions de kilomètres carrés représente 20 % de celle des terres émergées du globe. Néanmoins, en regardant une carte, l’Afrique semble plus petite que le Groënland, alors qu’elle est censée être quatorze fois plus importante en termes de superficie !
Un simple piège visuel ? Pas seulement. « Le Mercator » a été désigné afin d’opposer les terres émergentes, de façon à ce que les navigateurs puissent dessiner des lignes droites entre les ports de départ et ceux de l’arrivée. En résumé, sur une représentation du globe, la terre est compressée tandis que les océans sont plus étendus.
On pourrait donc se demander pourquoi les pays du nord sont surdimensionnés par rapport aux terres plus proches de l’équateur ? Jusqu’à nos jours, la théorie était qu’il fallait rapetisser une partie de la terre afin de faire apparaître tous les pays habités, tout en trouvant une échelle homogène à cette déformation. Par conséquent, c’est l’équateur qui a été désigné comme axe de cette imperfection.
En 1973, le cartographe allemand Arno Peters a proposé le « Peters », une projection bidimensionnelle de la mappemonde. Il a utilisé une démarche exactement identique à celle de Mercator, en prenant le fuseau horaire du temps universel coordonné (UTC) comme axe de déformation. Et les résultats ont mis en valeur les pays du Tiers-Monde, mais également rapproché l’Afrique de sa taille réelle.
Des cartes, de la physique et de la philisophie
Peters a établi sa propre approche pour contester ce qu’il pensait être un privilège pour les pays riches au détriment des pays pauvres. Il n’empêche que la projection de Peters, malgré son manque de notoriété, est la seule qui maintient la proportion entre le dessin de la carte et la superficie réelle de la Terre.
Ce n’est donc pas un hasard que les mouvements tiers-mondistes et plus tard altermondialistes, en Afrique et en Amérique du Sud, aient adopté la carte de Peters comme un symbole de lutte. Ce n’est pas non plus un hasard si les cartes du monde, tout au long de l’histoire, ont représenté l’Afrique avec des tailles différentes.
La procédure scientifique de cartographie a deux doctrines distinctes. L’une est d’origine grecque, elle a été développée par Dicéarque qui s’est basée au fil du temps plus sur la mathématique, c’est cette méthode qui a été appliquée par Mercator. La deuxième école de cartographie est romaine et elle s’est inspirée de la première, elle a été développée par Marinos de Tyr, et se basait plus sur la physique et la philosophie, c’est aussi le point d’origine de l’approche de Peters.
Il est important de préciser que les cartographes, autant que les politiciens orientaux ou africains, ont toujours adopté une cartographie romaine, à l’image d’Al Idrissi. Alors que leurs homologues occidentaux ont toujours opté pour la cartographie grecque, jusqu’à la Mercator qui reste aujourd’hui encore incontournable. Les raisons semblent donc être bel et bien politiques, mais il est difficile de le prouver.
Le plus important est de savoir qu’il est impossible de mesurer une distance ou deux superficies sur une carte physique, malgré l’indication d’une échelle. Et l’enseignement de cette histoire est que l’Afrique est bien plus vaste que les gens peuvent le penser en regardant un planisphère ou un globe terrestre.