Alors que le Burkina Faso a demandé, sous un mois, le départ des soldats français basés à Ouagadougou, Paris demande une rupture en bonne et due forme de l’accord entre les deux pays. Une façon de gagner du temps ?
L’enjeu est devenu communicationnel. Entre Paris et Ouagadougou, le torchon brûle depuis que la presse du Burkina Faso a publié une lettre, émanant supposément du ministre burkinabè des Affaires étrangères, en date du 18 janvier. Cette missive indique que la France dispose d’un mois pour faire partir ses soldats présents dans la banlieue de Ouagadougou, dans le cadre de l’opération Sabre. Depuis la publication de cette information par l’agence de presse nationale, le flou règne. D’un côté, Paris demande confirmation aux autorités du Burkina Faso. De l’autre, la junte militaire, et en particulier le capitaine Traoré, n’a pas pris la parole sur ce sujet.
Dimanche dernier, la France déplorait avoir appris la nouvelle dans les médias et s’étonnait qu’aucune notification formelle ne soit parvenue à Paris. Mais ce lundi, le gouvernement burkinabè — puisque c’est bien le gouvernement qui a voulu notifier la fin de l’opération Sabre sur son territoire et non le président de la Transition — a, par l’intermédiaire de son porte-parole, Jean Emmanuel Ouédraogo, précisé vouloir « dénoncer l’accord qui permet aux forces françaises d’être présentes au Burkina Faso ».
Le ministère français des Affaires étrangères a finalement notifié avoir « bien reçu la note verbale transmise à (l’)ambassade » de France, hier. Mais le Quai d’Orsay indique qu’il ne se satisfera pas, sur la forme, de cette même note. « Comme l’a dit le président de la République, nous attendons que le président de la Transition clarifie la portée de cette note », indique Paris.
La France, surprise par le calendrier burkinabè ?
Une façon pour la France de jouer un peu la montre. Le président français Emmanuel Macron, dimanche, a demandé des « clarifications » à la junte militaire du Burkina Faso. Le chef de l’État a estimé que « les messages qui étaient sortis à ce stade relevaient d’une grande confusion », le capitaine Traoré « étant en déplacement hors de la capitale ». Derrière la « prudence » réclamée par Emmanuel Macron, ce dernier sait très bien que la demande émane clairement de Traoré.
Mais le président français a, semble-t-il, été pris de court. Interrogé par RFI, le général d’armée Didier Castres, qui a dirigé les opérations Serval et Barkhane, rappelle qu’« on n’a jamais vu au Burkina Faso la France être vilipendée, menacée, injuriée par les autorités comme cela a été le cas au Mali ». Là où, du côté de Bamako, Paris savait qu’il tomberait en disgrâce, la demande de départ des soldats français étonne Paris. Même si un voyage du Premier ministre burkinabè en Russie aurait pu mettre la puce à l’oreille de l’Élysée.
Paris doit désormais trouver une solution de repli. Persona non grata au Mali et désormais au Burkina Faso, la France dispose encore, pour stationner ses troupes, de relais au Niger et au Tchad, mais aussi en Côte d’Ivoire. « La France réadapte, en concertation avec ses partenaires, son dispositif au Sahel », résume simplement le ministère français des Affaires étrangères.
Du côté du Burkina, il s’agit de prendre en main sa propre sécurité. « Les forces françaises sont basées à Ouagadougou à la demande du Burkina Faso et de ses autorités. Cette dénonciation est dans l’ordre normal des choses, elle est prévue dans les termes de l’accord militaire », indique le porte-parole du gouvernement.