Après un premier échec, ce samedi, les pays membres de l’Union africaine doivent statuer sur le statut d’observateur accordé à Israël. Le consensus semble impossible à trouver. Faut-il envisager de reporter cette décision à 2023 ?
Le mandat de président de l’Union africaine de Macky Sall commence par une réunion qui s’annonce tendue. Alors qu’Israël a obtenu, de la part du président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, un statut d’observateur l’été dernier, cette arrivée pourrait être remise en cause par une levée de boucliers qui est tout sauf une surprise.
Le 22 juillet dernier, l’ambassadeur d’Israël en Ethiopie, Aleleign Admasu présentait ses lettres de créance en tant qu’observateur auprès de l’instance continentale. Si Tel-Aviv n’a jamais réussi à obtenir ce poste au sein de l’UA, jusqu’en 2002, année de la dissolution de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), l’Etat hébreux était membre observateur de l’OUA.
Et alors que l’Union africaine doit gérer, cette année, de nombreux dossiers — Covid-19, Sahara occidental, coups d’Etat, entre autres —, les présidents africains n’avaient pas besoin d’une telle épine dans le pied. Pourtant, le Tchadien Moussa Faki Mahamat a pris la décision d’intégrer Israël, près de vingt ans après la création de l’UA, en tant qu’observateur.
Le « front du refus » ne veut pas d’Israël à l’Union africaine
Depuis l’été dernier, le ton est monté d’un cran. A commencer par l’Algérie qui, avec six autres pays africains, avait lancé début août un « front du refus ». Ce front, qui s’est depuis élargi, demandait alors que l’Union africaine revienne sur sa décision. Les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) avaient emboîté le pas, quelques jours plus tard, à Alger, indiquant à Moussa Faki Mahamat qu’ils s’opposaient à l’intégration d’Israël au sein de l’UA.
Alors qu’il prend la présidence de l’Union africaine, le président sénégalais a donc hérité de ce dossier chaud. Le 5 février débute un nouveau sommet de l’UA. Le Congolais Félix Tshisekedi passe le flambeau à Macky Sall. Moussa Faki Mahamat, lui, est toujours là. Et face à la fronde, il a été obligé de revoir sa décision, jugée unilatérale par plusieurs pays membres.
Dans un premier temps et en amont du sommet de ce samedi, les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’UA ont débattu. Mais il n’est sorti aucun consensus de cette réunion. Ce sera donc à l’Assemblée générale de décider si, oui ou non, Israël peut gagner un statut d’observateur au sein de l’Union africaine.
Pourquoi pas un sursis à statuer ?
Selon un observateur de l’UA, la décision la plus sage serait de « surseoir à statuer ». « Alors que l’Afrique doit faire face à de nombreux problèmes entre plusieurs de ses membres, comme entre Alger et Rabat, il n’est pas l’heure de prendre une décision qui ferait polémique, assure cette source. Israël comprendrait certainement un report d’un an, le temps que l’Union africaine règle plusieurs dossiers urgents ».
Mais est-ce réellement possible ? S’il a été impossible de trouver un consensus cette semaine, c’est parce que 46 pays africains ont des relations avec Israël. Du côté des opposants à l’obtention d’un statut d’observateur à Israël au sein de l’UA, on retrouve des pays historiquement opposés à l’Etat hébreu. Mais ils sont moins nombreux depuis les Accords d’Oslo de 1993 et les Accords d’Abraham récemment signés par le Maroc.
Surtout, à l’exception de l’Algérie et de quelques pays de la SACD, les voix de la Mauritanie, de la Libye, des Seychelles ou encore de Djibouti portent peu. Cependant, le message est clair : pas question de faire entrer un Etat qui pratique l’apartheid au sein de l’Union africaine. « C’est vrai que la situation en Palestine est terrible, mais en laissant Israël être un ami, il sera plus facile de lui dire les choses ensuite », tempère un diplomate.
Israël, la graine de la discorde africaine
Cependant, le « front du refus » veut encore croire en ses chances. Israël a tenté, il y a neuf ans, puis trois ans plus tard, d’obtenir un poste d’observateur au sein de l’UA. La diplomatie israélienne avait échoué. Mais cette fois, l’Etat hébreu peut compter sur deux facteurs : un nombre d’alliés plus important qu’à l’époque et, surtout, des chefs d’Etat qui, même en désaccord avec la politique israélienne, n’oseront pas s’opposer à l’intégration de Tel-Aviv au sein de l’UA.
Le vice de procédure, de la part de Moussa Faki Mahamat, déjà écarté, il ne reste donc qu’un consensus à trouver. Et c’est certainement là le plus difficile. Face au Maroc, au Kenya ou encore la République démocratique du Congo, l’Algérie va devoir faire valoir ses arguments.
Parmi ceux-ci, celui d’éviter de semer la graine de la discorde. L’Union africaine a besoin d’unité pour affronter les nombreux défis qui l’attendent cette année. Rien ne va entre l’Algérie et Israël, et accepter la demande israélienne ne ferait qu’attiser les tensions entre les deux pays. Quant aux situations au Mali, au Burkina Faso ou en Guinée, elles nécessitent une réflexion de l’UA, alors que la Cedeao est de moins en moins prise au sérieux.
Le report, solution la plus consensuelle
Plusieurs chefs d’Etat espèrent ne pas avoir à trancher la question, puisque celle-ci doit, dans un premier temps, être discutée par la Commission et par les ambassadeurs. Sans consensus, ce sera pourtant aux présidents de faire un choix, ce dimanche. Et sans accord verbal, on se dirige tout droit vers un vote.
« Avec ses 46 alliés sur 55 pays membres, il y a de grandes chances que la décision soit confirmée, continue l’observateur de l’UA. A moins que le vote, secret, ne fasse changer d’avis quelques alliés. On sait que quelques présidents ayant des relations avec Israël sont en désaccord avec la politique nationale de l’Etat hébreu. Un sursis à statuer pourrait cependant être proposé en amont pour éviter le vote. Dans ce cas, tout le monde serait content : Israël aurait son statut d’observateur assuré pour 2023 et le ‘front du refus’ aurait alors gain de cause ».