Selon le Centre africain de Contrôle et de Prévention des maladies (CDC), 23 millions de doses de vaccin contre la Covid-19 ont été administrées en Afrique. Le nombre de vaccins par nombre d’habitants est le plus bas du monde.
Le nombre de vaccins contre la Covid-19 administrés en Afrique est cinq fois inférieur à ceux administrés aux Etats-Unis seulement. En tout, 2 % des doses mondiales ont été administrées sur le continent africain. Plusieurs raisons expliquent ce déséquilibre. Evidemment, le contexte économique est évoqué systématiquement, mais ce n’est pas l’unique raison.
Des résultats concluants au Nigeria
Certains pays africains, comme le Nigeria et l’Afrique du Sud, se préparaient à investir dans la fabrication des vaccins Covid-19 approuvés par l’OMS. Cependant, un vote de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a renforcé la protection de la propriété intellectuelle. Le vote a été la suite logique d’un lobbying d’envergure effectué par les représentants des pays développés tels que les Etats-Unis, les pays de l’UE, le Canada et le Royaume-Uni.
Certes, l’Afrique est très en retard sur l’achat des vaccins à l’étranger, faute de moyens. N’empêche, des efforts ont été faits par plusieurs pays africains pour fabriquer un vaccin. Seulement, aucun laboratoire candidat n’a été soutenu pour la recherche. En l’occurrence, les dépenses des Etats africains pour la recherche scientifique représentent 0,52 % du PIB de tous les pays d’Afrique, et sont donc largement inférieures aux 2,2 % de la moyenne mondiale.
En septembre 2020, 320 vaccins étaient en développement, dont 33 en essais cliniques dans le monde. Le tiers de ces vaccins a été développé en Asie. Ce n’est donc pas une question de richesse : certains pays à à faibles PIB, comme le Kazakhstan, l’Iran ou le Vietnam, ont actuellement accès à leurs propres vaccins en cours d’essai clinique.
En Afrique, la formule du vaccin nigérian, développé par le Centre d’excellence Africain pour la génomique des maladies infectieuses (ACEGID), présentait un anticorps neutralisant jusqu’à 90 % de la présence du Sars-CoV-2, selon une estimation faite par l’OMS. Oui mais voilà, le laboratoire n’a eu ni le soutien nécessaire pour les essais cliniques ni les fonds utiles pour la fabrication industrielle.
Une dépendance vis-à-vis de l’Occident
Les gouvernements africains ont choisi, à la place, d’acheter les vaccins clé en main. Une dépendance qui pose question. La majorité des Etats africains ont répondu à la crise sanitaire en demandant des financements à la Banque mondiale ou à l’Afreximbank chinoise. Cette dernière a obtenu des garanties d’achats de plus de 2,3 milliards de dollars de la part de l’Union Africaine (UA) contre des prêts de 1,4 milliards prévus pour l’achat des mêmes vaccins, en majorité chinois évidemment.
En contrepartie, les vaccins testés en Afrique sont les moins disponibles sur le continent. Les essais cliniques des vaccins Pfizer, Novavax, Johnson&Johnson ou encore Astrazeneca ont été faits en Afrique.
Un autre souci est l’origine du financement des laboratoires africains ayant les capacités de développer et commercialiser un vaccin. « De nombreuses installations de recherche à travers l’Afrique sont financées principalement par les pays occidentaux, ce qui signifie que la plupart des programmes de recherche est dictée par ces pays et non par les pays africains », résume Gérald Mboowa, chercheur reconnu à l’Université de Makerere en Ouganda.
Une ligne de front Algérie-Afrique du Sud
Selon plusieurs analystes, l’Afrique n’atteindra l’immunité collective qu’en 2023, et un cadre d’entraide entre les pays africains n’a même pas été discuté. Un véritable apartheid vaccinal, où les pays plus riches divisent pour mieux régner, où l’Occident développe les vaccins, les teste sur des Africains et les produit pour, ensuite, en priver les pays Africains.
C’est pour cette raison que les Etats sont obligés, à cause de la mauvaise gouvernance et par manque de choix offert, de dépendre de l’initiative Covax ou des dons de la Chine et de l’Inde, voire des accords d’une UA qui endettera un peu plus le continent.
Certains pays, comme l’Algérie et l’Afrique du Sud, ont bien tenté de changer les choses. Le second avait demandé un effort concernant la protection de la propriété intellectuelle. Le premier est actuellement en train de créer deux usines de fabrication du vaccin russe. Développer des vaccins contre la Covid-19 en Afrique permettrait l’obtention de doses à moindres coûts mais aussi de donner plus de poids politique aux pays développeurs. De quoi, à l’avenir, relever d’autres défis sanitaires en Afrique ? Car la Covid-19 n’est pas le seul fléau africain : Ebola, le paludisme ou le VIH sont également les enjeux sanitaires d’hier, d’aujourd’hui et de demain.