Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Afrique a du mal à faire face aux pénuries de blé et aux prix qui grimpent en flèche. Le Sénégal va expérimenter une augmentation de sa production locale dès novembre.
La guerre en Ukraine a montré la dépendance de l’Afrique aux importations de blé. Pourtant, ce n’est pas faute, pour les ONG, d’avoir tiré la sonnette d’alarme. En 2012 déjà, le Centre international d’amélioration du maïs et du blé, une ONG mexicaine, publiait un rapport dans lequel il déplorait le fait que les agriculteurs d’Afrique subsaharienne ne cultivaient que 44 % du blé consommé localement. Pourtant, « l’Afrique subsaharienne possède d’importantes étendues de terres propices à la production de blé de façon rentable et sans irrigation, compte tenu des conditions de précipitations », indiquait l’étude. « Le blé est cultivé depuis très longtemps en Afrique mais il n’occupe aujourd’hui qu’une place marginale dans la production de céréales, loin derrière le maïs, le riz et le sorgho », déplorait de son côté l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Plus de dix ans plus tard, le conflit entre la Russie et l’Ukraine montre à quel point il aurait fallu s’atteler à produire plus de blé en Afrique. Car la guerre a fait exploser les prix : selon l’Organisation des Nations unies (ONU), les prix des aliments de base, notamment en Afrique, ont augmenté de 30 % en moyenne. La faute à une baisse massive des exportations ukrainiennes : Kiev exporterait environ 30 % de denrées alimentaires en moins qu’avant le début de la guerre. Selon l’ONU toujours, un quart des exportations ukrainiennes sont à destination des « pays à revenu faible ou moyen inférieur », parmi lesquels l’Égypte, le Kenya ou encore le Soudan.
Autre pays concerné par la tension alimentaire provoquée par la guerre entre l’Ukraine et la Russie, le Sénégal. Dakar a compris que la situation pouvait durer et, surtout, qu’elle était la conséquence d’une mauvaise stratégie en matière d’agriculture. Car se concentrer sur le mil, le maïs et le sorgho pour délaisser le blé aura coûté cher aux Sénégalais, qui ont vu les prix du pain et de la farine grimper ces derniers mois. Le Sénégal vient donc de redresser la barre : dès novembre 2023, le Sénégal misera sur la culture de blé, indiquait le ministre de l’Agriculture au lendemain de la COP27 en Égypte.
Le blé, facteur de paix sociale
Le ministère sénégalais de l’Agriculture vient d’annoncer qu’un millier d’hectares de terres seront consacrées à la culture de la fameuse céréale. Dakar veut prendre exemple sur Le Caire : « L’Égypte avait connu un déficit important. Aujourd’hui, certes, ils ne sont pas encore autosuffisants, mais ils ont travaillé », a-t-il expliqué. Dakar rêve désormais d’inverser la tendance : « D’autres pays d’Afrique qui étaient importateurs, il y a quelques années, sont devenus aujourd’hui exportateurs », résume le ministère de l’Agriculture.
Car si, globalement, la tendance africaine est à l’importation de blé, plusieurs pays du continent ont, depuis plusieurs année, misé sur la céréale star : en Éthiopie, au Kenya et en Afrique du Sud, l’accent a été mis sur la culture du blé. Le Rwanda et la Zambie avaient également pu compter sur leurs productions locales en 2008, alors que les marchés internationaux avaient flambé.
Si la décision sénégalaise va dans le bon sens, en termes d’économie, Dakar va également, en augmentant sa production de blé local, s’acheter la paix sociale. Car, comme l’indiquait l’étude du Centre international d’amélioration du maïs et du blé en 2012, « si l’Afrique ne va pas vers l’autosuffisance en blé, elle pourrait devoir faire face à de nouvelles famines, à l’instabilité, voire à la violence politique, comme les émeutes du pain l’ont montré en Afrique du Nord il y a quelques années ».