Sortie du franc CFA, fin des accords militaires, demande de respect mutuel… Le Sénégal, avec l’arrivée d’Ousmane Sonko au poste de Premier ministre, veut désormais parler d’égal à égal avec la France.
Il y a quelques mois, il assurait : « Nous n’avons rien contre la France ». Mais l’ancien opposant numéro 1, Ousmane Sonko, est bel et bien le symbole de la rupture avec Paris. Désormais Premier ministre du Sénégal, Sonko va s’appuyer sur un programme qui trouve son essence dans la lutte contre le néocolonialisme. Les Pastef, le parti d’opposition que Macky Sall avait choisi de dissoudre, veut notamment en finir avec le franc CFA ou encore revoir les accords militaires entre la France et le Sénégal.
Ce programme de rupture a été largement plébiscité dans les urnes : les Sénégalais ont en effet élu Bassirou Diomaye Faye dès le premier tour de la présidentielle, montrant l’attrait des populations locales pour le panafricanisme de gauche. Du côté de la France, forcément, on regarde d’un œil inquiet le nouveau paysage politique à Dakar. Macky Sall, accusé de servir les intérêts français, n’est plus là. Place à un Premier ministre prêt à en découdre avec l’Occident.
Dans le fond, Sonko va dénoter. Mais pas seulement : dans la forme, c’est l’arrivée d’une classe politique qui n’hésite plus à se vêtir des habits traditionnels. De plus, les nouveaux dirigeants sénégalais ont fait leurs armes dans leur propre pays, ce qui est assez inédit : Ousmane Sonko, par exemple, a étudié à l’université de Saint-Louis avant de terminer major à l’École nationale d’administration (ENA) du Sénégal.
Et c’est toute un environnement de rupture qui s’installe non seulement au Sénégal, par les urnes, mais aussi en Afrique de l’Ouest, voire au-delà, avec des Assimi Goïta, Ibrahim Traoré et autres chefs militaires qui ont poussé dehors des présidents qu’ils jugeaient illégitimes. Tous ont désormais en ligne de mire le Fonds monétaire international (FMI) et ses politiques d’austérité, mais surtout la France qui a toujours joué sur un certain chantage avec ses anciennes colonies, basé sur une politique restrictive d’octroi de visas ou d’aides soumises à conditions.
À peine arrivé, Ousmane Sonko met la pression sur la France, qu’il appelle à « revoir sa position » vis-à-vis de l’opposition sénégalaise. Paris n’a en effet jamais tancé Macky Sall qui avait jeté certains opposants en prison. Avec le nouveau président, Sonko propose un « changement systémique » et que le Sénégal retrouve sa souveraineté. Diomaye Faye veut d’ailleurs que le Sénégal redevienne « l’allié sûr et fiable » des partenaires « respectueux ». Un message à peine caché envoyé à la France, qui va devoir revoir sa politique vis-à-vis du Sénégal.