Plusieurs pays africains ont vu leurs notes souveraines se dégrader. Mais faut-il pour autant faire confiance aux agences internationales de notation ?
« L’abaissement de la note du Nigeria par Moody’s a été une surprise pour nous, car nous avions présenté tout le travail que nous avons fait pour stabiliser l’économie ». La ministre nigériane des Finances, Zainab Ahmed, est furieuse. Et estime la dégradation « surprise » de la note souveraine de son pays comme injuste. Moody’s a rendu ses conclusions et elles sont terribles, tout autant pour la Tunisie qui a vu sa note elle aussi baisser. Mais ce n’est pas la seule agence de notation à épingler un pays africain, ces dernières semaines. L’agence S&P Global Ratings a, par exemple, descendu les notes de crédit souverain à long et à court terme en devises étrangères et locales du Congo-Brazzaville à « CCC+/C ». De quoi laisser penser que le Congo est proche du défaut de paiement.
« Ce sont des agences de notation externes qui n’ont pas la pleine compréhension de ce qui se passe dans notre environnement domestique », déplore la ministre nigériane des Finances. Et si Zainab Ahmed avait visé juste ? En 2011, trois économistes du Fonds monétaire international (FMI) avaient publié une étude intéressante sur l’influence des dégradations de notation des dettes souveraines sur l’environnement économique et financier. Selon leurs conclusions, les agences de notation encouragent… l’instabilité financière. Christine Lagarde, alors patronne du FMI, estimait d’ailleurs qu’il fallait peut-être mieux encadrer les agences de notation.
« Le diktat des agences de notation est un danger, estime un spécialiste de la finance africaine. Et surtout un cercle vicieux qui conduit les pays dont la note souveraine est dégradée vers le fond ». Le Ghana avait lui aussi, il y a peu, fustigé la dégradation de sa note. De quoi relancer, une fois encore, l’idée de mettre en place une agence de notation africain ?
Perception vs. réalité
« En 2020, alors que toutes les économies subissaient les effets de la Covid-19, 18 des 32 pays africains notés par au moins une des grandes agences d’évaluation ont vu leur notation dégradée. Ceci représente 56 % de notations dégradées pour les pays africains contre une moyenne mondiale de 31 % pendant la période », se souvient ainsi Macky Sall, président sortant de l’Union africaine et du Sénégal.
Les faits sont cependant têtus. Car aujourd’hui, l’Afrique est à la traîne et les agences de notation profitent de leur monopole pour faire la pluie et le beau temps. Quitte à travestir la réalité et ne pas prendre en compte les contextes locaux, comme l’affirme la ministre nigériane. Macky Sall pense la même chose : « Des études ont montré qu’au moins 20 % des critères de notation des pays africains relèvent de facteurs plutôt subjectifs d’ordre culturel ou linguistique, sans lien avec les paramètres qui jaugent la stabilité d’une économie », explique-t-il.
De quoi provoquer des conséquences graves au niveau macro-éonomique, mais pas seulement. Les notes des différentes agences internationales provoquent la défiance des investisseurs, par exemple. « La perception du risque d’investissement en Afrique reste toujours plus élevée que le risque réel. Nous nous retrouvons ainsi à payer plus qu’il ne faut des primes d’assurance, ce qui renchérit le crédit accordé à nos pays », estime le président sénégalais. Une raison de plus d’aller vite dans la création d’une agence continentale qui pourrait alors proposer des notations plus adaptées…