Le gouvernement malien a présenté, hier, sa démission au président Bah N’Daw. Le Premier ministre Moctar Ouane a été aussitôt reconduit. Un gouvernement plus représentatif de l’échiquier politique malien serait en cours de constitution.
Le gouvernement intérimaire malien est sur le point de former un nouveau cabinet. A la suite de la démission du gouvernement de transition et la reconduction du Premier ministre, les perspectives sont bonnes. Le gouvernement de transition, accordé entre Bah N’Daw et son vice-président, le chef de la junte Assimi Goïta, avait subi de nombreuses critiques.
C’était en septembre 2020, sous la menace des sanctions internationales, que la junte qui avait renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) avait désigné Bah N’Daw comme président. Le choix de Moctar Ouane, un homme connu mondialement et politiquement neutre, a été accueilli avec beaucoup d’optimisme. Néanmoins, la feuille de route exigée par la Cedeao avance à petits pas. La communauté internationale, en particulier les Nations-Unies et la France, ont demandé en avril à ce que la classe dirigeante malienne soit plus représentative des nouveaux équilibres politiques du pays.
Toutefois, le gouvernement civil et la junte seraient en désaccord quant à l’interventionnisme étranger dans le processus, selon les analystes. Ce n’est qu’après des semaines de discussions que l’accord de former un nouveau gouvernement a été atteint.
Les équilibres du pouvoir à Bamako
Bien que Moctar Ouane soit un diplomate chevronné doté de bonnes relations avec les instances financières, ce n’est que le troisième homme du gouvernement malien. En effet, Ouane a dû, depuis septembre dernier, composer avec un président passif et un vice-président imposant et populaire. De plus, la chefferie locale est présente dans l’appareil de l’Etat. L’administration centrale de Bamako est représentative des ethnies dominantes dans le pays.
Cependant, Assimi Goïta cherchait depuis sa prise de pouvoir à élargir le cercle du dialogue national. Il avait visité des représentants de Tessalit, de Gao, de Tombouctou et du Kidal. Toutefois, un différent avec Almou Ag Mohamed avait aggravé la situation avec les insurgés de l’Azawad (CMA). Il s’agirait d’un simple rendez-vous manqué à cause de soucis météorologiques.
Depuis, la situation dans l’Est malien ne cesse d’empirer. Le Kidal et Gao ont été le théâtre de plusieurs affrontements. On note les raids de l’Azawad qui ont repoussé l’armée vers le Centre malien, et les attentats terroristes plus au Sud. La pire tragédie était cependant le bombardement français qui a causé une quarantaine de morts lors du mariage d’un dignitaire peul.
C’est à cette occasion que Goïta aurait retenté de rallier le CMA. Le chef de la junte a multiplié les critiques de la présence française au Mali. Ce qui n’a pas manqué de fâcher Paris. N’empêche qu’Assimi Goïta a marqué des points quant à sa popularité auprès des populations. La France aurait alors tenté de semer la discorde entre Goïta et Bah N’Daw. Lors d’une visite de la ministre française des Armées, Florence Parly, cette dernière a exhorté le président malien à « promouvoir la gouvernance civile ».
Rallier les mécontents
La reconduction du Premier ministre, hier, démontre une direction différente entreprise par l’appareil exécutif malien. En effet, bien que premier représentant de la « civilité » du gouvernement, Ouane a été un soutenant de l’armée. En plus, la promesse d’élargir l’assise du gouvernement est des plus prometteuses. Il n’y a actuellement, au Mali, que trois parties qui ne sont pas inclues dans le gouvernement.
D’un côté, le CMA, en rébellion dans une large partie du territoire, a vu son chef assassiné à Bamako. A première vue, les médias auraient indirectement blâmé l’armée. L’insurrection n’a commencé aucune escalade de violence, au grand malheur des médias occidentaux. Avant son assassinat, Sidi Brahim Ould Sidati était l’un des principaux signataires de l’accord d’Alger. Le chef rebelle encourageait aussi le renouvellement de l’accord. Malgré les tentatives de médiation algériennes, le cessez-le-feu est au point mort. Mais au vu du calme relatif, du côté de l’Azawad, la paix existe de facto.
D’un autre côté, le mouvement d’opposition du 5 juin (M5-RFP) a appelé la semaine dernière à la dissolution du gouvernement. Le mouvement, qui avait mené les manifestations contre IBK a demandé « un gouvernement plus légitime ». La feuille de route de la transition inclut un référendum constitutionnel le 31 octobre prochain. Si le gouvernement est mis à jour maintenant, ce serait afin de faire respecter cette échéance. De plus, le M5 serait contraint d’accepter ces termes, qui semblent convenir à ses exigences. Ensuite, une élection présidentielle est supposée se tenir le 27 février 2022. Dans un Mali divisé et en proie au terrorisme, il y’a peu de perspectives que ce rendez-vous soit maintenu. Il s’agirait donc de la seconde priorité du nouveau gouvernement.
La formation d’un nouveau gouvernement reste une bonne nouvelle cependant. Elle traduit une volonté d’union au Mali. Il reste à en voir les modalités. Dossier à suivre.