Alors que la Cedeao vient de sanctionner le Mali, force est de constater que la France réussit à imposer sa propre feuille de route à l’instance ouest-africaine. Pour ce faire, elle peut compter sur des soutiens de choix.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) tente-t-elle de prendre le Mali en otage ? Lors d’un sommet consacré au Mali, de lourdes décisions ont été prises contre les autorités actuellement au pouvoir. Assimi Goïta avait tenté d’imposer une feuille de route extensible, affirmant que l’élection présidentielle aurait lieu, au mieux, dans cinq ans. Une tentative d’imposer ses conditions qui n’est pas passée auprès de l’institution sous-régionale.
Les présidents de la Cedeao, dimanche, avaient donc le choix entre une négociation avec la junte militaire pour tenter de réduire les délais et des sanctions. C’est la seconde option qui a été finalement retenue. Et la Cedeao n’a pas lésiné sur les sanctions : fermeture des frontières avec le Mali au sein de son espace, suspension des échanges commerciaux à l’exception des produits de première nécessité, gel des avoirs maliens à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et rappel des ambassadeurs de la Cedeao au Mali.
Ouattara, une médiation intéressée
Les présidents ouest-africains réunis à Accra dimanche ont estimé que les militaires avaient « pris en otage » la population malienne. Etonnant lorsque l’on sait que, parmi les chefs d’Etat qui ont participé à ce rendez-vous, se trouvent Alassane Ouattara, le président ivoirien au troisième mandat illégal, ou encore le Togolais Faure Gnassingbé — absent à Accra et représenté par son ministre des Affaires étrangères —, dont la famille cumule près de 55 ans au pouvoir. Pour ces chefs d’Etat, comme pour les autres, il s’agit surtout d’empêcher qu’une quelconque velléité de coup d’Etat vienne mettre fin à leurs règnes respectifs.
Des présidents qui ont d’ailleurs, dans les couloirs de la Cedeao, un surnom. Les « présidents Françafrique » sont en effet les « missi dominici » de Paris. Outre Alassane Ouattara et Faure Gnassingbé, l’Elysée peut compter sur Mohamed Bazoum pour défendre les intérêts français et, dans une moindre mesure, sur Macky Sall, le chef de l’Etat sénégalais. En voyage à Paris, à l’été 2021, le président nigérien avait estimé qu’« il ne faut pas permettre que les militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front où ils devraient être et que des colonels deviennent des ministres ou des chefs d’Etat ». Une pique envoyée directement aux militaires maliens et guinéens de la part de la France, qui avait préféré passer par Bazoum pour envoyer un message à l’Afrique.
L’échec de Faure Gnassingbé
Les président ivoirien, nigérien et togolais défendent-ils les intérêts français ? La question peut être posée au vu des termes employés par la Cedeao. Dans son communiqué, l’instance sous-régionale affirme en effet qu’elle va « activer immédiatement la Force en attente de la Cedeao qui doit se tenir prête à toute éventualité ». Autrement dit, l’instance demande à Bamako de ne plus discuter avec le groupe paramilitaire russe Wagner. « Malgré le démenti du gouvernement de transition malien, la Cedeao reste profondément préoccupée par le rapport cohérent sur le déploiement d’agents de sécurité privée au Mali avec son impact potentiellement déstabilisateur sur la région ». Une sortie qui va dans le sens de la France, qui voit d’un très mauvais œil la présence russe au Mali.
Depuis le renversement du président du Mali, Bah N’Daw, en mai 2021, les « présidents Françafrique » ont multiplié les tentatives de prise de leadership. Alassane Ouattara s’est notamment, de façon étonnante, rapidement impliqué dans le dossier. Le président ivoirien a parlé à Assimi Goïta dès sa prise de pouvoir et s’est trouvé des talents d’organisateur au moment de préparer le sommet spécial de la Cedeao consacré à la crise malienne, qui a eu lieu à Accra à la fin du mois de mai 2021. Et comme pour convaincre ses pairs de faire front contre les putschistes, Ouattara avait appelé plusieurs de ses homologues alors qu’il était censé présider un conseil des ministres.
Bazoum, le VRP de la France
Autre président à s’être intéressé au dossier, non sans aller dans le mur, le Togolais Faure Gnassingbé. Ce dernier a tenté de se poser en médiateur entre Bah N’Daw et Assimi Goïta. Mais l’échec est patent : quatre jours avant le coup d’Etat, le chef de l’Etat togolais avait prodigué ses conseils à Bah N’Daw, lui dictant de patienter avant d’annoncer un nouveau gouvernement et d’attendre la venue de la Cedeao sur place. N’Daw n’avait pas été convaincu par le président togolais et avait franchi le pas. Le double jeu de Gnassingbé lui a finalement été fatal.
Pour tenter de régler la crise malienne en amont, Faure Gnassingbé s’était appuyé sur son homologue nigérien Mohamed Bazoum. Très rapidement, les deux hommes ont été mis hors course dans ce dossier sensible. Le président du Niger avait, par la suite, condamné la prise de pouvoir par des militaires après une rencontre avec Emmanuel Macron.
En sanctionnant lourdement le Mali, la Cedeao a une nouvelle fois montré qu’elle marchait dans les traces de la France. Avec des présidents influents comme Ouattara, Gnassingbé ou Bazoum, l’instance sous-régionale semble aujourd’hui condamnée à suivre la politique dictée par Paris. Pour ce faire, elle peut compter sur des VRP de choix.