Samedi, les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se sont réunis à Accra. N’arrivant pas à s’accorder sur les nouvelles mesures vis-à-vis du Burkina Faso, de la Guinée et du Mali, le sommet a été reporté.
Le Sommet extraordinaire de la Cedeao, qui s’est tenu dans la capitale ghanéenne Accra samedi dernier, a finalement été détourné de son ordre du jour. La réunion de la Conférence des chefs d’Etat de la Cedeao devait être consacrée à l’examen de la situation politique au Burkina Faso, en Guinée et au Mali. Finalement, les décisions de la Cedeao sur la modification, l’allègement ou l’imposition de nouvelles sanctions imposées aux trois pays attendra le prochain sommet, prévu pour le 3 juillet.
Néanmoins, la montagne n’a pas accouché d’une souris. D’un côté, le chef de la Commission de la Cedeao, Jean-Claude Kassi Brou, a été désigné comme prochain gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). L’Ivoirien prendra ses nouvelles fonctions « à compter du 4 juillet 2022, dès qu’il aura quitté la Cedeao », a annoncé le président ivoirien Alassane Ouattara.
D’un autre côté, pour sa première mission pour la Cedeao depuis qu’il a quitté la présidence du Niger en avril 2021, Mohammadou Issoufou a été nommé médiateur pour le Burkina Faso. Il devra « faciliter le dialogue entre les parties prenantes ». Issoufou se déplacera à Ouagadougou dans les prochains jours, donc, afin de rencontrer le chef de la junte burkinabé, Paul-Henri Sandaogo Damiba.
Quelques décisions prises lors de ce sommet à Accra, concernant le 🇧🇫#BurkinaFaso :
-Maintien de la suspension du pays de toutes les instances de la CEDEAO.
-Mahamadou ISSOUFOU, ancien président du Niger, nommé médiateur de la CEDEAO— #AFRICA24 (@AFRICA24TV) June 5, 2022
La Cedeao négocie encore malgré la crise humanitaire
Malgré les deux nouvelles nominations de la Cedeao, ce nouveau sommet à Accra reste une déception. C’est la première réunion de l’instance ouest-africaine depuis l’annonce, par les autorités militaires du Burkina Faso, de la Guinée et du Mali de la durée de transition prévue dans leurs pays. Le Mali a revu sa première annonce d’une transition de « moins que cinq ans », disant être prêt à accepter une transition de 24 mois. Tandis que la Guinée et le Burkina Faso ont tous les deux décidé que 36 mois seront nécessaires pour préparer les élections.
Malgré cela, le Mali est le seul des trois pays subissant encore un embargo qui a mis l’économie du pays à genoux. Un rapport récent de l’ONU indique que les sanctions de la Cedeao ont « sévèrement affecté » l’économie malienne et « empiré les conditions de vie, surtout celles des pauvres ». Pourtant, du côté de la Cedeao, les chefs d’Etat continuent à négocier avec Bamako. Le président sénégalais Macky Sall a déclaré en mai : « Nous pouvons nous mettre d’accord sur une échéance comprise entre 16 et 24 mois ». Si le Mali veut donc revenir dans le giron de la communauté ouest-africaine, Assimi Goïta devra faire de nouvelles concessions.
Pour ce qui est du Burkina Faso, la Cedeao a « pris en compte les efforts déployés par les autorités de transition, malgré les défis ». Un clin d’œil à la sécurisation, par l’armée du Burkina Faso, de plusieurs localités du nord du pays, où des milliers de déplacés ont regagné leurs villes. Une opération de l’armée, le 26 mai, a eu raison de la cellule de Tidiane Djbrilou Dicko, l’un des chefs terroristes les plus dangereux de la région.
Muhammadu Buhari, l’invité surprise au secours du Mali
La présence du président du Nigéria, Muhammadu Buhari, a été la grande surprise du Sommet d’Accra samedi. Le chef d’Etat nigérian, pourtant très influent au sein de l’instance en raison de la grande participation de son pays aux troupes de l’ECOMOG, a souvent boycotté les réunions de la Cedeao. Selon une source proche du sujet, Buhari s’entendrait peu avec les chefs d’Etat des pays de l’Uemoa, à l’exception du Sénégalais Macky Sall.
Lire : Le Mali remporte un premier bras de fer contre l’UEMOA
La présence de Buhari est lourde de sens, même si le président nigérian est en fin de mandat. Lors de son intervention samedi, il a demandé que « des mesures supplémentaires » soient prises pour « assurer la sécurité et la pleine liberté » de l’ancien président du Burkina Faso Roch Kaboré.
Pour ce qui est du Mali, Buhari déclare : « Nous devons veiller à ce que, quelles que soient les décisions que nous prenons, nous nous souvenions des populations victimes des conséquences néfastes de l’isolement provoqué ». Muhammadu Buhari a rappelé une proposition, par son compatriote, chargé de la transition malienne pour la Cedeao, Goodluck Jonathan, d’étendre la durée de la transition à 18 mois. Le président nigérian a proposé que Macky Sall et son homologue ghanéen Nana Akufo-Addo se déplacent personnellement à Bamako pour présenter cette proposition aux autorités maliennes.
Ce qui explique, donc, l’absence d’accord qui a fait repousser les décisions sur le Mali pour le 3 juillet prochain. Le soutien du Nigéria sera un facteur important dans les rapports entre Bamako et la Cedeao. Et avec les sanctions contre le Mali qui commencent à peser sur les économies des pays du bloc, notamment la Côte d’Ivoire et le Sénégal, il est plus que probable qu’elles soient levées prochainement.