Peu habituée à exporter son blé, l’Inde change de méthode et pourrait fournir l’Egypte, ainsi que d’autres pays africains, dans les mois à venir.
Ils étaient jusqu’ici dans une politique protectionniste. Les agriculteurs indiens sont peu habitués à exporter leur production de blé, même si, entre 2020 et 2021, les exportations indiennes de blé ont été multipliées par quatre. Mais il faut dire que les chiffres sont encore bas : l’an dernier, ce sont 6 millions de tonnes de blé qui ont été vendues à des pays étrangers.
Mais cette année, avec une production record estimée à 111 millions de tonnes et des cours qui s’envolent à 400 dollars la tonne — alors que les agriculteurs ne peuvent vendre au-delà de 274 dollars dans leur pays —, le blé indien vise désormais les marchés étrangers. Le deuxième producteur de blé dans le monde peut-il être la solution à la pénurie engendrée par le conflit en Ukraine ?
D’une part, les prévisions d’exportations indiennes restent basses. Alors que l’Ukraine exportait 24 millions de tonnes de blé à l’Europe chaque année, l’Inde, elle, vise les 4 millions de tonnes de blé supplémentaires lors de la prochaine campagne de production. D’autant que cette nouvelle stratégie doit s’appuyer sur une refonte de la logistique portuaire : l’Inde manque de conteneurs dédiés au blé.
Eviter des « révolutions du pain » à moindres frais
Mais à court terme, cela permettra à New Delhi de revenir sur la scène diplomatique internationale après avoir déçu l’Afrique au moment de la pandémie de Covid-19. Le ministère du Commerce a affirmé, le mois dernier, être sur le point de « conclure un accord pour exporter du blé en Egypte. Des pourparlers sont en cours avec la Turquie, la Chine, la Bosnie, le Soudan, le Nigeria, l’Iran…». D’autres sources assurent que plusieurs pays du Maghreb, comme la Tunisie et le Maroc, mais aussi l’Afrique du Sud, sont sur les rangs pour obtenir du blé indien.
Les négociants indiens, assure Africa Intelligence, sont actuellement de retour sur les appels d’offres internationaux de blé en Afrique du Nord. Pour ce faire, c’est un véritable échange gagnant-gagnant qui s’est mis en place : contre un assouplissement du cahier des charges — qui fixe les spécifications et les règles phytosanitaires —, New Delhi propose des prix intéressants, frôlant les 350 dollars la tonne.
Pourquoi l’Afrique du Nord ? Car dans ces pays, plus particulièrement, les révolutions du pain pointent le bout de leur nez. Il faut dire que la farine et le pain sont subventionnés. En Tunisie, si la caisse de compensation permet aux populations d’acheter des baguettes à 190 millimes — un peu plus de 0,6 dollar —, leur prix peut en ce moment atteindre 250 millimes. En Egypte, le pain est vendu au prix de 0,5 livre, soit 2,5 centimes d’euro.
Pour les pays d’Afrique du Nord, il s’agit donc d’éviter que les populations puissent se soulever contre les régimes en place. Pour ce faire, il faut pouvoir continuer d’assurer les subventions sur le pain, tout en se faisant livrer le blé à bas coûts. Dans son budget 2022, l’Egypte avait prévu des importations de blé à 250 dollars par tonne. On en est loin, et la crise ukrainienne pourrait coûter cher. L’Inde, à court terme, pourrait permettre de limiter la casse.