Un projet de loi a été présenté par le ministre algérien de la Justice Belkacem Zeghmati mercredi. Ce texte prévoit que les Algériens commettant « des actes portant volontairement des préjudices aux intérêts de l’Etat » perdent leur nationalité.
Un texte de loi proposé par le gouvernement algérien qui dérange. Ce texte stipule que « la déchéance de la nationalité algérienne acquise ou d’origine sera applicable à tout Algérien qui commet, en dehors du territoire national, des actes portant volontairement de graves préjudices aux intérêts de l’État ou qui portent atteinte à l’unité nationale ».
Après les révélations sur ce texte, la diaspora algérienne, visée par cette loi à cause de son soutien au Hirak, s’inquiète. « Vous n’allez pas nous intimider avec la déchéance de la nationalité ! », ont scandé des manifestants algériens le 6 mars. Un nouveau bras de fer débute entre le pouvoir, qui avait pourtant lâché du lest, et le peuple algérien. Un pouvoir algérien qui montre, une fois n’est pas coutume, qu’il n’a jamais eu de véritable politique à l’égard de sa diaspora, qui transfère environ 2 milliards de dollars chaque année vers l’Algérie, selon les chiffres de la Banque mondiale. Ces chiffres se basant uniquement sur les fonds qui sont transférés via des moyens traçables seraient d’ailleurs en réalité bien plus élevés.
Une loi démesurée
La loi en question est plus drastique que les mesures entreprises à l’encontre des collaborateurs du colonialisme lors de l’indépendance de l’Algérie. « La nationalité en Algérie est un droit naturel que rien ne doit remettre en cause », estime l’avocat et professeur de Droit Ahmed Bettatache.
« Bien que nous n’ayons pas eu accès à tous les éléments constituant ce nouveau projet de loi, nous pouvons d’ores et déjà relever un point primordial sur la nationalité en Algérie. Dans notre pays, la nationalité est essentiellement transmise par le sang et les quelques rares cas de naturalisation ne sont que des exceptions qui confirment la règle. Nous sommes donc dans un cas de droit naturel, que rien ne peut remettre en cause », continue l’avocat.
Dans la procédure législative congrue du droit écrit, de telles mesures sont souvent prises dans les pays où la naturalisation est un moyen accessible pour obtenir la nationalité. Cette dernière étant conditionnée par des circonstances intrinsèques au pays, la nationalité ne peut être révoquée qu’en cas de la déchéance de ces circonstances.
Or, comme l’expliquent les nombreux juristes qui se sont prononcés sur le sujet, la nationalité algérienne est immuable dans la Loi, par normes, par usage et selon la jurisprudence. Il ne s’agit pas d’un droit juridique mais d’un droit naturel en plus d’être constitutionnel.
Selon le juriste et activiste Lahouari Addi, « la question de la déchéance de la nationalité est une diversion pour faire oublier le débat sur la violence exercée par les services de sécurité et qu’ont dénoncée les manifestants vendredi dernier. Des responsables se sont offusqués que les manifestants aient lancé le slogan ‘Les services de renseignement sont les vrais terroristes’ ».
Il existe des pays africains, comme l’Egypte, le Soudan, la Tunisie ou même le Ghana et l’Afrique du Sud qui ont adopté de telles lois, toujours avec un champ d’application très limité, en l’occurrence contre les individus ayant été condamnés préalablement pour un crime terroriste, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité et seulement par le pouvoir judiciaire de leur propre pays.
De quoi attiser un peu plus la révolte
Le mouvement de protestation populaire du Hirak, soutenu par la diaspora algérienne, a repris ses manifestations contre l’armée algérienne et le gouvernement d’Abdelmajid Tebboune. L’initiative du gouvernement ressemble donc à une réaction à cette mouvance qui ne semble pas s’essouffler.
Sauf que la communauté internationale et la presse étrangère soutenaient le Hirak avant même que la diaspora ne rejoigne les manifestations. Qui plus est, le gouvernement algérien n’a jamais vraiment porté attention à ce que pense l’opinion internationale.
Selon les spécialistes, cette loi viserait certains activistes algériens vivant à l’étranger. Les noms de Ferhat Mhani et Mourad Dhina reviennent souvent sur Twitter et Facebook. Le gouvernement algérien a été accusé par le passé d’avoir fait assassiner des militants à l’étranger. De plus, une loi de déchéance de la nationalité a déjà été proposée en 2016… sans succès.
Les milliers de protestataires du Hirak dans toutes les villes d’Algérie ont montré leur solidarité avec leur concitoyens vivant à l’étranger lors des protestations de ce samedi.