Deux mois après l’échouement de l’« Ever Given » dans le canal de Suez, l’Egypte tente d’obtenir des indemnités conséquentes de la part du propriétaire du cargo.
L’affaire avait ébranlé le secteur du transport maritime. L’« Ever Given », un porte-conteneurs, avait bloqué le canal de Suez pendant près d’une semaine. Les conséquences avaient été terribles : lors de sa réorientation, après avoir échoué, le navire avait provoqué l’engorgement du canal pendant trois jours supplémentaires, 400 autres navires ayant été bloqués. La société néerlandaise Boskalis et les autorités égyptiennes avaient dû retirer plus de 30 000 mètres cubes de sable. Il avait fallu 13 remorqueurs pour remettre l’« Ever Given » à flot. Mais les conséquences avaient été bien plus graves : le canal de Suez représente 12 % du transport mondial de marchandises. L’échouement du navire aurait provoqué un énorme manque à gagner, puisque le transport de marchandises via Suez représente 350 millions d’euros par heure, soit plus de 8 millions d’euros par jour.
Ce qui explique la colère de l’Egypte, qui a rapidement demandé réparation. Mais le risque du vide juridique était omniprésent : s’il a été construit au Japon, qu’une entreprise japonaise en est le propriétaire et qu’il est exploité par une société taïwanaise, Evergreen Marine, le navire bat pavillon panaméen et sa gestion technique est assurée par une société allemande. L’Etat égyptien a donc fait saisir le navire début avril. Dimanche dernier, les tribunaux égyptiens ont confirmé l’immobilisation du bateau malgré les recours japonais. Le cargo ne devrait être libéré qu’après l’obtention par l’Egypte d’indemnités.
L’Egypte a perdu près de 100 millions de dollars
L’Autorité du canal de Suez (SCA), qui gère le canal, a dans un premier temps réclamé 916 millions de dollars d’indemnisation au propriétaire du navire. Mais certaine de ne pas arriver à ses fins, la SCA a finalement décidé de diviser ses exigences quasiment par deux. Ce sont donc 500 millions de dollars que l’Autorité du canal de Suez attend désormais. Une baisse des exigences notamment due à l’estimation du cargo. « Après que l’entreprise propriétaire du navire nous a informés que la valeur des marchandises transportées était de 750 millions de dollars, nous avons baissé le montant des dédommagements à 550 millions, par respect », a indiqué l’amiral Ossama Rabie, patron de la SCA.
L’Egypte a, depuis l’échouement, régulièrement revu sa demande à la baisse. Car à la baise, les autorités égyptiennes avaient estimé à 3 milliards de dollars la valeur des marchandises transportées. Mais cette somme est bien loin de ce qu’a dépensé le pays pour libérer la voie : la SCA indique en effet que la fermeture du canal a provoqué un déficit de 12 à 15 millions de dollars quotidiens, soit tout au plus 100 millions de dollars. Le blocage du canal a en réalité eu un impact plus important pour l’ensemble des compagnies bloquées pendant plusieurs jours : entre 6 et 10 milliards de dollars par jour, selon l’assureur Allianz. Car ce sont, en tout, 26 millions de tonnes de marchandises qui ont été bloquées pendant une semaine. En attendant les mécanismes d’indemnisation des assurances, le combat judiciaire oppose donc l’Egypte au propriétaire japonais. Et la SCA espère bien faire plier l’armateur.