Plusieurs fois évoqué, le possible empoisonnement de Béji Caïd Essebsi revient dans l’actualité. Le ministère tunisien de la justice a demandé l’ouverture d’une enquête sur le décès de l’ancien président.
Béji Caïd Essebsi a-t-il été empoisonné ? L’ancien président tunisien, de 2014 à 2019, ne serait pas mort de cause naturelle, selon Mohamed Hentati, un responsable religieux. S’il affirme avoir des preuves, le cheikh reste une personnalité peu crédible. Pourtant, sa théorie fait aujourd’hui de plus en plus écho dans les cercles politiques tunisiens. Si bien que la ministre de la Justice vient de demander l’ouverture d’une information judiciaire pour déterminer si l’ex-chef de l’Etat était mort ou non de cause naturelle, comme cela a été indiqué sur le certificat de décès.
En réalité, le supposé empoisonnement a souvent été évoqué par le fils de Béji Caïd Essebsi, Hafedh, aujourd’hui exilé en France. « J’avais par le passé exprimé mes doutes quant aux circonstances suspectes du décès de mon père, en dépit de l’encadrement et les efforts fournis par le personnel médical civil et militaire », a redit Hafedh Caïd Essebsi fin décembre.
L’ouverture d’une information judiciaire est donc une bonne nouvelle pour la famille Caïd Essebsi, qui estime que le peuple tunisien a aujourd’hui « le droit de connaître la vérité » concernant le décès de BCE. Mais qu’est-ce qui aurait pu pousser qui que ce soit à empoisonner l’ex-président tunisien ? Ce dernier, rappelle son fils, « avait refusé de promulguer le texte relatif à révision de la loi électorale » et « il était subitement tombé malade trois mois avant les élections législatives et présidentielle, chose qui a résulté en de grands bouleversements de la situation politique en Tunisie ».
Simple théorie du complot ? Depuis plusieurs mois, plusieurs enquêtes ont été diligentées, avant d’être finalement fermées par manque de preuves. En août 2020, par exemple, un individu avait affirmé avoir été approché pour empoisonner le pain livré au palais présidentiel, indique le journal tunisien La Presse. Plus tard, une histoire de courrier empoisonné avait également fait la une des journaux locaux, démentie ensuite par le ministère de l’Intérieur.
Youssef Chahed impliqué ?
« Les Tunisiens veulent savoir et en avoir le cœur net. Le Président est-il mort d’une mort naturelle ou a-t-il été empoisonné ? Pour ma part, je soupçonne un empoisonnement car, peu avant sa mort, le Président avait réclamé la vérité autour de l’appareil sécuritaire d’Ennahdha », avait, mi-2019, affirmé la députée de Nidaa Tounes, le parti fondé par Caïd Essebsi, Fatma Mseddi.
La ministre de la Justice a remis au procureur général près la Cour d’appel de Tunis une demande d’ouverture d’une enquête sur les circonstances du décès de Béji Caïd Essebsi. De quoi embêter certains dirigeants de l’époque. Si la formation islamiste Ennahdha est régulièrement visée par les accusations, une autre personnalité est dans le collimateur de la justice : Youssef Chahed, ancien chef du gouvernement tunisien.
En décembre dernier, l’ex-avocat de BCE, Abdessatar Messaoudi, affirmait que Youssef Chahed avait fait pression, à l’époque, sur lui pour éviter l’ouverture d’une enquête sur les circonstance du décès de Béji Caïd Essebsi. Jeune Afrique rappelle que l’ex-chef du gouvernement avait des relations tendues avec BCE au moment de l’hospitalisation de ce dernier. A demi-mots, le magazine estime que Chahed pourrait être inquiété, si Béji Caïd Essebsi a bien été « aidé » à mourir.
Ce que confirmait d’ailleurs, il y a un an et demi l’ancien ministre de la Défense Abdelkrim Zbidi. Très proche de Béji Caïd Essebsi, Zbidi avait indiqué que Youssef Chahed avait fait une demande de transfert par avion de BCE, alors malade, aux autorités françaises qui avaient refusé celle-ci, la famille Caïd Essebsi n’étant pas forcément de l’avis du chef du gouvernement qui rêvait alors de la magistrature suprême.
Chahed a-t-il été impliqué dans une tentative d’empoisonnement de Béji Caïd Essebsi ? Rien ne le prouve encore, mais selon Jeune Afrique, le général de division et directeur général de la santé militaire, le docteur Mustapha Ferjani, qui a signé le certificat de décès du président à l’époque, pourrait être interrogé sur son diagnostic de l’époque, lui qui estimait que BCE était mort naturellement.