Alors que la crise ukrainienne s’est aggravée, le conflit entre l’Europe et la Russie n’est pas exclusivement militaire, mais également gazier. Au milieu de cette « guerre du gaz », l’OTAN compte sur l’Algérie pour arbitrer une bataille énergétique qui ne dit pas son nom.
Mémoire de la colonisation française, crise migratoire, Sahara occidental, Mali, Libye ou encore terrorisme au Sahel… De nombreux dossiers sont au centre des discussions entre l’Algérie et l’Europe. Mais en ce moment, c’est le gaz qui est au centre des débats.
Depuis 2007, l’alliance gazière algéro-russe, signée entre Sonatrach et Gazprom, fournit à l’Europe plus de 27 % de son gaz. L’Algérie détient aussi huit usines de regazéification de son gaz naturel liquide (GNL), situées en Espagne et au Portugal. Plus au nord, Moscou contrôle 33 % du gaz naturel en Europe, à travers les gazoducs traversant, notamment, l’Ukraine.
Un quasi-monopole de l’Algérie et de la Russie du secteur du gaz naturel en Europe, qui inquiète. Notamment parce qu’on connaît l’amitié historique qui unit les deux Etats. Mais surtout, avec les tensions entre Paris et Alger d’un côté, et entre la Russie et l’Occident de l’autre, difficile de savoir comment tournera cette bataille énergétique.
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Pour l’Algérie, deux positionnements sont envisageables : renforcer la position russe ou mettre la pression sur la France, tout en se rapprochant de l’Europe. Quoi qu’il arrive, Alger devrait sortir gagnante de la crise ukrainienne.
La France prise au piège ?
L’heure des comptes a donc sonné, surtout pour la France qui s’est à la fois imposée comme interlocuteur avec Moscou pour le compte de l’OTAN, mais qui avait également refusé, par le passé, de renforcer la coopération gazière entre l’Algérie et l’Europe. En effet, l’OTAN, qui se retrouve opposée à la Russie dans le dossier ukrainien, espère ressusciter le projet gazier euro-algérien, le MidCat.
Le Midi-Catalonia (MidCat) est un réseau de pipelines qui transporte le gaz liquide et l’hydrogène vert entre l’Algérie et l’Espagne. Depuis 1984, Alger tente d’étendre le MidCat jusqu’en Europe centrale, surtout vers l’Allemagne. Seulement voilà, la France a refusé à plusieurs reprises, notamment en 2019, de valider ce projet.
Mais désormais, la France se retrouve presque forcée par l’OTAN d’échanger avec la Russie à propos la crise ukrainienne. Emmanuel Macron espérant briller à l’approche de l’élection française, il doit aujourd’hui se positionner en tant que facilitateur. Ce que le président français sait, c’est que Paris devra également contenter Alger.
Sauf que l’Algérie n’est pas connue pour être facile à manœuvrer diplomatiquement, malgré les enjeux financiers qu’une telle négociation pourrait engendrer. Surtout que, entre Alger et Moscou, l’amitié est ininterrompue depuis 1963.
Si la section centrale du MidCat devait être mise en place en urgence pour contourner les menaces russes, il n’est pas sûr que l’OTAN gagnerait au change. Mais une chose est certaine, c’est Paris qui devra faire des concessions, aussi bien économiques que diplomatiques.
La diplomatie algérienne toujours plus forte
Un contexte explosif pour Paris, qui avait choisi, ces derniers mois, de ne pas apaiser les tensions avec l’Algérie. Un retour au calme est-il envisageable ? Et, surtout, l’Algérie acceptera-t-elle d’écouter Emmanuel Macron ?
Difficile à dire car l’Algérie n’est pas facile à manœuvrer : Alger peut se permettre d’avancer sur les dossiers prioritaires, sans pression extérieure. Par exemple, l’Algérie est omniprésente dans la crise malienne. Entre l’accord de paix de Rome, le refus d’appliquer les sanctions de la Cedeao et la proposition de Ramtane Lamamra de se poser en médiateur de la transition politique à Bamako, l’Algérie peut envisager de prendre le leadership sur le dossier malien.
Alger est également au front sur le dossier israélien : l’Algérie a grandement participé à repousser la délibération de l’Union africaine sur le statut d’observateur de l’Etat hébreu. Sur le Sahara occidental, les alliés du nouveau chef de la diplomatie algérienne ont mis à mal les revendications marocaines, que ce soit auprès de l’ONU ou de l’UA.
Concernant tous ces dossiers africains, l’Algérie est en parfaite harmonie avec la Russie. Nul doute que la première alliée de Moscou en Afrique continuera à adopter la même ligne diplomatique, à savoir promouvoir le tiers-mondisme, la diplomatie de la fraternité et les rapports économiques et commerciaux gagnant-gagnant.