Après quasiment un an à la tête de son pays, le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embaló détonne grâce à son franc-parler. Le chef de l’Etat espère réformer en profondeur la Guinée-Bissau, non sans dire ce qu’il pense.
« Je suis cash et je ne changerai pas ». En septembre dernier, après sept mois à la tête de la République de Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló a gardé sa gouaille, comme il le précise dans une interview. Pas question d’être plus diplomate ou populiste parce qu’il est à la tête de son pays : le président bissau-guinéen veut continuer à parler librement, comme il l’a toujours fait. Quitte à froisser les autres chefs d’Etat africains…
Exemple en août 2020. Alors qu’il siège à une réunion virtuelle de la Cédéao, le président Embaló revient sur la démission d’IBK au Mali après la prise de pouvoir par des militaires. « Si ce qui s’est passé au Mali est un coup d’Etat, alors les troisièmes mandats étaient également un coup d’Etat », dit-il, visant sans les nommer Alassane Ouattara et Alpha Condé, qui s’apprêtent à l’époque tous les deux à rempiler pour un troisième mandat et qu’Embaló compare donc aux putschistes maliens.
« Alpha Condé n’a aucun respect pour moi, et je n’ai aucun respect pour lui »
Une attaque en règle qui montre qu’Umaro Sissoco Embaló n’a peur de rien, ni de personne. Le chef de l’Etat bissau-guinéen veut aussi peser en rappelant à ses homologues de la Cédéao que l’institution n’a pas à soutenir des présidents qui s’accrochent au pouvoir. Lorsque Ouattara lui répond, Embaló ne faiblit pas : Il n’y a « pas de petit pays » à la Cédéao, dit-il, comme pour rappeler que son avis compte autant que celui des présidents « à vie ».
Une façon aussi pour Umar Sissoco Embaló de montrer qu’il a de la mémoire. Car moins d’un an auparavant, Alpha Condé et Alassane Ouattara ont soutenu son adversaire lors du scrutin présidentiel bissau-guinéen. Alpha Condé « n’a aucun respect pour moi, et je n’ai aucun respect pour lui », explique librement Embaló dans une interview.
Cependant, au-delà de la rancœur, le président bissau-guinéen avance des arguments en faveur d’une Afrique mieux gouvernée. Il estime par exemple qu’au-delà de 80 ans, un homme ne peut présider les destinées d’un pays. « L’Afrique ne devrait plus avoir affaire à des Mugabe », résume-t-il, lui qui désire « quitter le pouvoir à 57 ans ».
« Je suis un républicain et je ne cherche qu’à renforcer les institutions »
Avec son « style direct et cash », Umar Sissoco Embaló est un président iconoclaste. Il est rare de rencontrer un correspondant de média qui ne disposerait pas, dans son carnet d’adresses, du numéro de portable d’Embaló. C’est certainement ce qui le rend si populaire auprès des médias : une simplicité dans ses déclarations, pas de langue de bois et un capital sympathie impressionnant. Embaló intéresse aussi pour ses relations amicales détonantes, Alexandre Benalla et Nicolas Sarkozy en tête.
Mais si Umar Sissoco Embaló est aussi apprécié, c’est parce qu’il a un véritable projet politique. « Je ne cherche pas à renforcer les pouvoirs du président (…). Je suis un républicain et je ne cherche qu’à renforcer les institutions. Mon but, c’est d’en finir avec la pagaille provoquée par de mauvaises interprétations de la Constitution, de clarifier les ambiguïtés qu’il peut y avoir entre les différentes institutions et de délimiter les pouvoirs de chacun », expliquait-il en fin d’année à Jeune Afrique. Le président bissau-guinéen veut également diminuer la corruption, mettre fin au trafic de drogues et faire en sorte que son pays ne soit plus « un Etat mendiant » auprès des institutions internationales. Le chemin sera long mais Umar Sissoco Embaló espère bien mettre en pratique son programme dans les années à venir.