Au Tchad, le chef du Conseil militaire de transition (CMT) Mahamat Déby a prévu une amnistie générale pour des centaines de rebelles et d’opposants, en vue de la participation des groupes armés au dialogue national.
Un projet de loi d’amnistie générale, validé par le Conseil des ministres au Tchad ce lundi 29 novembre, prévoit la libération inconditionnelle de tous les combattants rebelles du pays. « Il est apparu indispensable de faire table rase des vestiges hérités des périodes sombres de notre pays en accordant une amnistie générale à ceux qui, pour une raison ou pour une autre, avaient choisi la voie de l’exil et/ou de la violence pour exprimer leurs divergences politiques », cite le texte, qui sera soumis à l’approbation du Parlement dès cette semaine.
Un geste fort du chef de la junte tchadienne, Mahamat Déby Itno. Après les quiproquos quant à l’intervention de l’Union africaine (UA) et des diplomaties française et togolaise dans l’organisation du dialogue national tchadien, Mahamat Déby semble déterminé à garder la main sur ce dossier très épineux.
Cette décision d’amnistie générale intervient à peine quelques semaines après la nomination de l’ancien numéro un des rebelles, Abdelkader Mahamat alias Baba Laddé, à la tête des services de renseignement du Tchad.
Qui est concerné par l’amnistie ?
Selon Jeune Afrique, les mouvements politico-militaires d’opposition en exil seront tous concernés par cette décision. Sont notamment cités le chef de l’Union des forces de la résistance (UFR), Timan Erdimi, et le chef de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD), Mahamat Nouri, actuellement en exil.
Certains combattants du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), accusé d’avoir tué l’ancien président — et le père de Mahamat Déby —, Idriss Déby Itno, devraient également être concernés. Rien n’a été décidé, en revanche, quant au sort de Mahamat Mahdi Ali, chef actuel de l’organisation.
Le texte de loi prévoit également la libération de « 39 personnes condamnées pour des faits d’atteinte à l’intégrité de l’État et de délits d’opinion, et 257 membres des groupes armés, détenus et jugés notamment pour terrorisme ». Parmi ces derniers, certains seraient impliqués dans la tentative de coup d’Etat de 2019, ayant visé le défunt président Idriss Déby.
Une table rase en bonne et due forme, donc. Selon le porte-parole du FACT, Kingabé Ougouzeimi, « si elle se confirme et se matérialise dans les faits, cette amnistie serait une avancée majeure, entre autres, vers le dialogue, la réconciliation et la paix tels que voulus par l’ensemble des Tchadiennes et des Tchadiens ».
Mahamat Déby, le temps de la rupture
Certains chefs rebelles ne cachent toutefois pas leur inquiétude. Si Mahamat Déby va au bout de ses promesses, c’est un nouveau paysage politique qui se dessinera au Tchad. Un éventuel retour au pays, après douze ans d’exil au Qatar, de Timan Erdimi, serait un signe fort pour l’opposition tchadienne. Selon les médias locaux, le gouvernement prévoit de demander à la France de différer les poursuites de ses tribunaux visant Mahamat Nouri. Ce dernier a été remis en liberté en 2020 pour des raisons sanitaires et demeure l’opposant le plus notoire du régime Déby.
Difficile de dire, cependant, si cette amnistie générale a obtenu l’accord de la France. Si Mahamat Déby adhère encore intimement, aux positions de la France, surtout dans le cadre de son activité militaire au Sahel, il n’en est pas moins critique envers les exigences françaises en matière de transition politique. D’autant que Paris n’a pas respecté ses engagements financiers vis-à-vis de N’Djamena.
A l’occasion de sa dernière visite à Paris, Mahamat Déby a affirmé : « En tenant compte de notre feuille de route, nous sommes sur le bon timing. Il y a la volonté politique et je crois qu’il est possible de tenir ces promesses ». Il a également affirmé que le Tchad menait « à bien » sa lutte contre le terrorisme.
De son côté, le gouvernement d’Albert Pahimi Padacké ne cesse de rappeler la nécessité de « soutien financier de la communauté internationale » pour l’exécution de la feuille de route de la transition. Un soutien qui doit coûter 1,5 milliards de dollars. Une somme que la France rechigne actuellement à délivrer au Tchad.