Malgré la promesse américaine de ne plus intervenir en Somalie, l’aviation d’Africom a attaqué une cible au sol près de Galkayo, dans l’ouest somalien. Un bombardement que Washington tente de justifier.
Cela fait sept mois jour pour jour que les Etats-Unis ont annoncé la cessation de leurs opérations militaires en Somalie. Les formateurs américains se sont officiellement retirés fin janvier. Et tout le monde présumait que le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom) n’était plus qu’un souvenir en Somalie. Malgré tout, mardi, le chef d’Africom, Stephen Townsend, a unilatéralement autorisé un bombardement sur le sol somalien. Selon la porte-parole du Pentagone, Cindi King, Townsend a effectué une simple opération d’« autodéfense collective de forces alliées ».
Africom accuse l’organisation terroriste al-Shabaab d’être derrière les raids contre l’armée somalienne le week-end dernier. Et, pour cette raison, Townsend a décidé de bombarder… une route. Aucune victime civile, militaire ou terroriste n’a été signalée. Ce qui provoque un grand nombre de questions sur cette frappe. Selon Cindi King, Africom s’est octroyé le droit d’agir en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations unies sur la légitime défense. La porte-parole a d’ailleurs assuré qu’il y avait « une menace imminente », ce qui expliquerait la décision du général américain, qui n’a, pour le coup, pas consulté la Maison-Blanche.
Du côté de la Somalie, Africom assure que le bombardement a été autorisé par les autorités locales. Une affirmation qui a, depuis, été démentie. Actuellement, à Washington, la légalité de cette attaque est le sujet de nombreuses discussions en interne. Outre la question de la légalité, la frappe contrevient aux déclarations du président américain Joe Biden.
Mogadiscio mal à l’aise, mais silencieux
L’attaque a eu lieu à Galkacyo, dans le nord-ouest somalien. La frappe aérienne a touché la route Galkacyo-Garowe, à l’intérieur de l’Etat du Puntland. Cette région est éloignée de Wisil et de Mogadiscio, où les dernières attaques des Shebabs ont eu lieu. De quoi laisser penser qu’Africom, en évoquant la légitime défense, a menti.
Le gouvernement somalien, lui, n’a pas réagi. Il faut dire que cette frappe, si elle est jugée illégale, pourrait provoquer une crise diplomatique d’envergure. La Somalie est particulièrement sensible quant à la remise en cause de sa souveraineté par les Etats-Unis, malgré la position pro-américaine du président Farmaajo. L’administration Biden a en tout cas relancé le débat quant aux bombardements aléatoires perpétrés par les militaires américains en Somalie. De 11 bombardements en 2015, la Somalie a subi 64 bombardements en 2019 et 54 en 2020. La frappe aérienne de mardi était donc la première en 2021.
Le Sénat américain demande des comptes
En mars, l’ancien porte-parole du Pentagone avait annoncé que toutes les attaques américaines hors d’Afghanistan, de la Syrie et de l’Iraq seraient soumises à une autorisation directe de Joe Biden. Ce qui n’aurait pas été le cas pour la frappe effectuée en Somalie. C’était initialement l’ancien président Trump qui avait donné carte blanche aux généraux sur le terrain pour ordonner des bombardements. C’est aussi Donald Trump qui avait fait retirer les 700 soldats des forces spéciales en Somalie.
Fin 2020, un rapport d’Amnesty International faisait état de centaines de civils morts sous les bombes américaines en Somalie. Ce qu’Africom n’a jamais nié. L’ONG avait aussi mis en garde contre des bombardements en 2021, qui seraient selon elle illégaux tant qu’ils ne visent pas à couvrir des soldats américains sur le terrain. Le scandale s’est déplacé jusqu’au parlement américain. Le sénateur Tim Kaine a demandé, hier, à ce qu’Africom cesse ses opérations dans la Mer Rouge en attendant que Townsend justifie ce bombardement.