Alors qu’il devrait être élu président du Niger, Mohamed Bazoum va avoir fort à faire pour imposer son style, après le double mandat très positif de Mahamadou Issoufou.
Ce dimanche 21 février, les Nigériens se rendaient dans les urnes pour une deuxième tour de la présidentielle au suspense très limité. Alors qu’il devrait être élu président, face à Mahamane Ousmane, Mohamed Bazoum pense déjà aux dossiers qui l’attendent. L’héritage laissé par Mahamadou Issoufou à son successeur laisse à penser que le futur président a toutes les cartes en main pour réussir son mandat. Mais, resté dans l’ombre d’Issoufou pendant plus de trente ans, Bazoum voudra forcément prendre des décisions fortes pour imposer son style et se démarquer de son prédécesseur. Quitte à prendre le risque de trop en faire ?
Vers une purge au sein du PNDS ?
Au sein du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), la formation politique qu’il a cofondée avec Mahamadou Issoufou en 1990, Mohamed Bazoum tentera certainement de mettre sa patte. Un ami commun des deux hommes expliquait il y a peu à Jeune Afrique que « Bazoum a une loyauté et, au fond, une forme d’allégeance envers Mahamadou Issoufou, même s’il tient à ce qu’on le voit comme son alter ego, cofondateur du PNDS ». Sauf que le président du parti a, parmi ses alliés, quelques ennemis qui n’hésitent pas à mettre en avant ses origines arabes pour le discréditer. Il n’a, de plus, jamais réussi à rassembler. Bazoum a d’ailleurs obtenu près de 10 points de moins qu’Issoufou lors du premier tour de la dernière élection présidentielle.
Avoir évolué sur les traces d’Issoufou, sans réel leadership, donnera forcément à Bazoum des velléités réformatrices. Après un audit commandé par le président de la République, qui avait révélé des surfacturations au sein du ministère de la Défense, plusieurs cadres du PNDS ont été accusés. Jugeant que le PNDS n’a pas assez lutté contre la corruption, Mohamed Bazoum prendra certainement des mesures fortes avant de quitter la présidence de la formation. Là où Mahamadou Issoufou avait réussi à être consensuel, Mohamed Bazoum est considéré comme clivant. Son nouveau rôle fait aujourd’hui craindre une purge au sein du PNDS.
Un héritage positif que Bazoum ne doit pas gâcher
Bazoum devra cependant ménager la chèvre et le chou au sein de son parti s’il veut vivre un mandat calme et serein. Et devra se concentrer sur le principal : les dossiers urgents qui l’attendent à la tête du Niger. En matière de sécurité, le futur président devra consolider les acquis du pays face à la menace terroriste. Ex-ministre de l’Intérieur, Bazoum connaît bien ce dossier. « Le président a un bilan remarquable dans le domaine de la sécurité, qui est la première préoccupation des autorités et des citoyens », résumait le candidat avant l’élection. Bazoum devra tout faire pour éviter la jonction entre Boko Haram et les groupes djihadistes opérant dans la région des « Trois frontières ».
Du côté des infrastructures, de l’énergie ou encore des télécommunications, Mohamed Bazoum hérite là aussi d’un bilan assez exceptionnel. Le candidat s’est donc trouvé son thème de campagne avec un autre dossier : « Nous devons accentuer l’effort sur le secteur de l’éducation. Je compte lui donner un caractère prioritaire, et je le suivrai d’aussi près que celui de la sécurité », indiquait-il lors de sa campagne, assurant que l’éducation est « le levier pour résoudre l’autre grand défi du Niger, la démographie ». Bazoum devra enfin continuer à développer le secteur pétrolier au Niger et réformer l’agriculture.
Continuité ou rupture avec le style Issoufou ?
Si de nombreux chantiers attendent Mohamed Bazoum, ce dernier aura avant tout la délicate mission de ne pas détricoter ce qui a été fait par son compagnon de route. Réputé autoritaire lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, Bazoum devra imposer son style sans faire de rupture inutile et dangereuse. « A la différence du président Issoufou, j’ai la chance d’avoir été ministre pendant dix ans, et je pense avoir un regard plus incisif », affirmait-il en décembre lors d’une interview. S’il devra consolider les acquis du pays, Mohamed Bazoum voudra certainement se lancer dans de grandes réformes. Mais s’il veut réussir, il devra être à l’écoute des cadres de son parti, qui craignent que le travail d’Issoufou soit réduit à néant, et même de son prédécesseur qui aura certainement les yeux toujours rivés sur la politique nigérienne.