La CEEAC se réunit aujourd’hui à Brazzaville pour discuter du Tchad. Le pays sahélien, dans l’œil du cyclone depuis le décès d’Idriss Déby, sera représenté par son Premier ministre. Un message subliminal de la part de Mahamat Déby ?
Le président du CMT tchadien, et fils de feu Idriss Déby Itno, Mahamat Idriss Déby, s’absentera d’une importante réunion de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC). En effet, la réunion a un seul ordre du jour, la situation sécuritaire et politique au Tchad. L’absence de Mahamat Déby est donc plus que curieuse.
Depuis qu’il a suspendu l’ordre constitutionnel de succession à la présidence du Tchad, le jeune Déby a pris le pouvoir par la force. C’était un coup d’Etat aux caractéristiques monarchiques, appuyé par la France. Quant aux relations internationales, Mahamat Déby a préféré disparaitre que représenter son pays. La réunion autour de la table de Denis Sassou-Nguesso, aujourd’hui 4 juin, pourrait aider le Tchad ou l’isoler davantage.
En effet, en s’appuyant principalement sur l’Occident et en délaissant la représentation tchadienne au Premier ministre, Mahamat Déby envoie plusieurs messages. Premièrement, Albert Pahimi Padacké est un ancien membre de la CEEAC. De plus le Tchad voudrait prouver qu’un civil représente l’Etat tchadien, actuellement sous contrôle militaire absolu.
Deuxièmement, l’absence de Déby serait un refus de négocier la crise récente avec la République centrafricaine (RCA). Les deux pays essayent de trouver une issue pacifique à l’opération militaire du 30 mai, qui a fait plusieurs morts sur les frontières communes. Troisièmement, le président du Conseil Militaire de Transition (CMT) tchadien, définit ses allégeances au niveau international. Il est de notoriété publique que le jeune Déby représente une continuité de la relation entre la France et le gouvernement tchadien.
Sassou-Nguesso essaye de rétablir la paix
Un appel du ministre congolais de la Défense, Charles Mindjo, a été à l’origine de la réunion de la CEEAC de ce vendredi. La raison immédiate ne fait donc pas de doutes. Les escarmouches entre les armées nationales de la RCA et du Tchad déplairaient aux Etats de la sous-région.
Le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou-Nguesso, intervient souvent pour médier les querelles entre voisins en Afrique Centrale. En sa qualité de président de la Conférence des Chefs d’Etats, sa médiation porte une réelle valeur. Au niveau du décorum comme sur un plan pratique, le choix de s’absenter de Mahamat Déby est peu justifié.
En tant que chef d’Etat, Mahamat Déby est tenu de trouver une solution internationale au différend avec la RCA. Or, cette crise arrange les intérêts de ses alliés internationaux actuels, soit la France et ses alliés occidentaux. La RCA pense même que l’acte de provocation à l’origine de la mort de 6 soldats tchadiens et d’un soldat centrafricain serait commis par une milice pro-française.
En effet, le mouvement 3R, qui avait attaqué la patrouille des FACA, avant de se réfugier en territoire tchadien, appartient à la CPC. Ce mouvement insurrectionnel est commandé par François Bozizé, qui s’est longtemps appuyé sur la France pendant son mandat de président.
Mahamat Déby rate l’occasion de rallier les pays voisins
Les analystes considèrent que le combat entre Bozizé et le président de la RCA Touadéra soit une extension d’un conflit géopolitique entre la France et la Russie. Respectivement alliées du Tchad et de la RCA.
La situation est donc bien complexe. Selon Emmanuel Chauvin, ce seraient les Tchadiens qui étaient habitués à faire ce genre d’incursions sur le territoire centrafricain. L’actuelle crise est donc inédite, et se rattache aux intérêts russes en RCA. Une grande campagne de libération de la Centrafrique de la CPC est en cours.
Il y a plus de trois mois, un cessez-le-feu entre la CPC et l’Etat centrafricain a été imposé, grâce aux pourparlers menés par le président congolais Denis Sassou-Nguesso. Clairement, aucune partie ne le respecte. C’est donc en vue d’établir une paix plus officielle avec l’autre allié de la France, le Tchad, que la CEEAC se réunit aujourd’hui.
De plus, le déplacement des chefs d’Etats à Brazzaville aura une autre importance pour le Tchad. Le pays traverse une transition politique très mouvementée. L’opposition politique manifeste souvent, et ça finit chaque fois en répressions violentes, voire la mort de manifestants. Si Mahamat Déby n’a pas un large consensus populaire, il a tout de même besoin de soutien étranger. Ce qui lui manque est un soutien africain, qu’il pourrait obtenir en s’entretenant avec ses homologues. C’est aussi un soutien qu’il ne peut revendiquer s’il ignore l’appel de ses pairs.