Après la récente mésentente entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, c’est le président ougandais qui monte au créneau. En effet, l’Ouganda a promis un soutien militaire à la RDC. Yoweri Musevini serait-il le moindre mal ?
En marge du Sommet parisien, une querelle médiatique a eu lieu entre les chefs d’Etats congolais et rwandais. En effet, Paul Kagame a nié l’implication de l’armée rwandaise dans la guerre civile en RDC. Un dossier dans lequel l’Ouganda était aussi impliqué. Tant et si bien que la RDC avait exigé une prise de responsabilité de l’Ouganda au même titre que le Rwanda.
Préalablement, le président de la RDC, Félix Tshisekedi, avait déclaré l’état de siège dans l’Est de son pays. Les régions du Nord-Kivu et de l’Ituri sont actuellement des zones militaires. Le président congolais a même remplacé les autorités civiles par un commandement militaire. Les modalités de l’opération ont fait le sujet de vives critiques.
Du côté européen, le Portugal a envoyé des « formateurs militaires » à Kinshasa pour superviser l’opération. Une procédure équivalente a eu lieu à deux jours près au Mozambique, où l’UE a déployé des centaines de militaires portugais. Les deux déploiements prépareraient un envoi de troupes à grande échelle.
Néanmoins, Musevini a marqué trois points à ce niveau. Premièrement, il se présente comme un meilleur allié de la RDC en offrant une alliance militaire. Deuxièmement, l’armée ougandaise est une armée africaine, et représente une alternative à un déploiement européen. Troisièmement, Musevini entretient de bonnes relations avec l’Occident. Cela assurerait à l’Europe une intervention indirecte. De surcroit, l’ennemi visé par l’opération militaire congolaise est le mouvement rebelle des Forces Démocratiques Alliées (ADF). Cette milice est d’origine ougandaise.
Les FDLR vont rentrer aux Rwanda et les ADF en Ouganda
— Bakadifuila Chris (@BakadifuilaC) May 20, 2021
Les nouvelles alliances se fêtent, et se militarisent
Au niveau diplomatique, le soutien militaire ougandais en RDC est une attaque directe à Paul Kagame. Face au différent, disproportionné par les médias français, entre Kagame et Félix Tshisekedi, Yoweri Musevini s’entremet entre les deux chefs d’Etats. L’Ouganda est concerné par la menace directe au gouvernement de la RDC, certes. Mais l’armée ougandaise était impliquée dans la guerre civile par le passé.
Alors que Tshisekedi accuse Kagame de « négationnisme » donc, Musevini préfère l’action. Et il s’agirait d’une action militaire à double sens. Elle cimentera les relations entre la RDC et l’Ouganda. Le soutien militaire ougandais permettra à Musevini aussi de combattre tous ses opposants en territoire étranger. Il faut rappeler qu’en 1995, les ADF étaient un parti politique. Avant que le mouvement ne soit exporté vers d’autres pays africains, il avait regroupé tous les opposants de Yoweri Musevini.
Ce n’est qu’après que des soldats rwandais, zaïrois et soudanais avaient rejoint les ADF. Depuis la fin de la guerre civile en RDC, les ADF ont changé leurs zones d’action. Si en Ouganda, les ADF sont de plus en plus rares, leurs milices sont nombreuses en RDC et au Mozambique. Il est d’ailleurs flagrant que les attentats des ADF suivent de près les nouveaux projets de la major française Total. Plusieurs analystes ont lié l’intérêt européen aux crimes des ADF à l’intérêt économique français.
De même, l’inclusion des ADF sur la liste des organisations terroristes partait initialement d’une ignorance de la dynamique terroriste en Afrique de la part des Etats-Unis. Si, en effet, des groupes terroristes liés à Daech sont actifs au Mozambique, en RDC, ainsi que plus ou moins dans toute l’Afrique. Cela ne signifie en rien que les deux groupes sont liés. En réalité, les fiefs de l’Etat Islamique ont été souvent attaqués par les ADF.
Maintenant que les ADF sont reconnus comme DAECH RDC, la porte est entrouverte à une occupation américaine à l'instar des certains pays où le terrorisme est combattu. Je me demande comment nos dirigeants comptent "gérer" ce soutien de la part des USA.
— Jodie Zuzi (@JodieZuzi) March 13, 2021
On t’accompagnera si tu trouves ta route
Si cette nouvelle alliance militaire entre l’Ouganda et la RDC signifie le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Elle signifie tout autant l’exclusion du Rwanda. Notons que Musevini et Tshisekedi avaient par le passé proposé un accord pour construire une route entre les deux pays, ainsi que la promotion du commerce bilatéral. L’Ouganda avait déjà mis en place un fonds pour la réalisation de ce projet.
Le Rwanda, qui se situe entre les deux pays, aurait pu profiter de ce projet, dont l’itinéraire restait encore à déterminer. Bien qu’au vu de la situation au Kivu, il aurait été plus judicieux de passer par le Rwanda. Une éventuelle victoire militaire des forces conjointes de l’Ouganda et du Congo faciliterait alors l’avancée de ce projet sans que le Rwanda y prenne part.
Toutefois, d’autres acteurs sont en jeu. Les compagnies minières et les majors pétrolières profitent énormément des troubles dans l’Est congolais. Un souci que Tshisekedi avait relevé récemment lors d’une visite dans le Haut-Katanga. Si, en effet, la corruption dans les hautes sphères de l’Etat congolais avait beaucoup aidé l’insurrection. Il reste à adresser l’échec militaire de l’armée congolaise. Après tout, les milices, les ADF et les autres, ne représenteraient pas une réelle menace à l’armée nationale en termes d’équipement et de nombres. Néanmoins, avec l’entrée en lice de l’armée ougandaise, la victoire de la RDC sur les ADF serait quasiment certaine.
Le Rwanda et l'Ouganda sont en conflit, et n'aimeraient pas mutuellement détruire leurs infrastructures. Alors, ils choisissent la RDC comme leur terrain d’entraînement.
Nous allons compter de nouveaux morts.
J'ai peur que nous soyons ignorants d'une histoire récente.
Oh, triste!— Papy Maotela Mbele Kamangu (@PMaotela) May 17, 2021