Se dirige-t-on vers un nouvel échec de la communauté internationale en Libye ? L’émissaire de l’ONU pour la Libye, Jan Kubis, a démissionné ce mardi.
A un mois jour pour jour de l’élection présidentielle libyenne prévue le 24 décembre 2021, c’est un véritable coup de théâtre : l’émissaire de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour la Libye, le Slovaque Jan Kubis, a démissionné de ses fonctions. Officiellement, aucune raison n’a été avancée par les différentes parties. Mais alors que le calendrier du scrutin semble être un enjeu vital pour la communauté internationale, et particulièrement pour l’ONU, ce départ est vécu comme un bouleversement par les observateurs.
Un bouleversement, mais pas une surprise pour autant. « Il n’avait rien à faire là », rappelle un spécialiste de la Libye qui rappelle le parachutage du Slovaque à un poste dont le fauteuil était resté très longtemps vide. Nommé en janvier dernier, Jan Kubis remplaçait ainsi le Libanais Ghassan Salamé, qui avait démissionné dix mois plus tôt.
Le Maroc, les Emirats et les Etats-Unis pas innocents
Si la démission de Kubis ressemble à la conclusion d’un mauvais vaudeville, sa nomination avait plutôt été un sketch : alors que l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères — de retour aujourd’hui à son poste — Ramtane Lamamra était le candidat naturel en tant qu’émissaire de l’ONU, António Guterres, secrétaire général des Nations unies, avait cédé au véto des Etats-Unis, des Emirats arabes unis et du Maroc — le chef de la diplomatie chérifienne, Nasser Bourita, avait indiqué : « Pas de solution berlinoise à un problème d’Afrique du Nord ! ». Le Conseil de sécurité de l’ONU avait alors opté pour le Bulgare Nickolay Mladenov, qui avait refusé le poste, avant de choisir, donc, Jan Kubis.
Le Slovaque n’a jamais fait l’unanimité. Des sources libyennes accusent d’ailleurs Jan Kubis d’avoir « fait pression, avec l’aide de l’Union européenne, sur le parlement libyen pour promulguer la loi électorale ». Depuis, les divisions montrent à quel point l’élection prévue en décembre tient à un fil. « Jan Kubis a observé, impuissant, les divisions que ses actions ont créés », poursuit un journaliste libyen, sous couvert d’anonymat.
Autre épisode important dans la démission du Slovaque : la candidature de Saïf al-Islam Kadhafi, qui a surpris tout le monde, Kubis inclu. « Avec autant de nouvelles factions qui prennent place pour le ‘conflit électoral’ à venir, Jan Kubis ne veut simplement pas assumer les répercussions », poursuit notre interlocuteur sur place. Tous les observateurs sont en effet unanimes pour dire que, si des élections ont lieu le 24 décembre, dès le lendemain, des violences se dérouleront sur tout le territoire libyen.
Et maintenant ?
Dépassé par les événements, le désormais ex-émissaire de l’ONU va donc observer les choses de loin. Et l’échec de Jan Kubis semble être, plus globalement, l’échec des Nations unies : « Les démissions successives des envoyés spéciaux de l’ONU en Libye et la difficulté pour trouver l’interlocuteur idéal montrent l’inefficacité de l’ONU. Jan Kubis ne voulait simplement pas connaître la même chute que Ghassan Salamé, dont les efforts ont été insuffisants pour réconcilier Haftar et Tripoli », conclut un spécialiste avant de fustiger Kubis qui « pensait être le levier de la paix en Libye, entre les salons des dirigeants, les hôtels de luxe et les sommets internationaux ».
Aujourd’hui, le Slovaque doit se rendre à l’évidence : la guerre qui menace la Libye sera néfaste à tout le monde. Or, si l’ONU échoue, c’est la carrière de Jan Kubic qui risquait de vaciller. Reste désormais à savoir comment vont réagir les Nations unies. « Le secrétaire général travaille à un remplacement approprié. Nous sommes parfaitement conscients du calendrier électoral et travaillons aussi vite que possible pour garantir la continuité dans le leadership », indique l’ONU.