Le Maroc joue la montre avec l’ONU. En attendant que Staffan de Mistura soit désigné envoyé spécial au Sahara Occidental, Rabat négocie avec l’Espagne.
Alors que le dossier du Sahara occidental envenime les relations entre le Maroc et l’Espagne, les Nations unies continuent d’œuvrer pour « parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ». Si bien qu’en octobre dernier, le Conseil de sécurité a prorogé le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) pour une année.
En attendant, les Nations unies ont longtemps cherché un envoyé spécial pour la région. Et le choix du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, se porte désormais sur Staffan de Mistura. Le diplomate italo-suédois a déjà été envoyé spécial des Nations unies en Syrie. Il attend de pied ferme sa désignation au Sahara occidental, alors que Horst Köhler avait démissionné en mai 2019.
Comme en Libye après le départ de Ghassan Salame — son poste était resté vacant pendant dix mois —, l’ONU a mis énormément de temps à trouver un successeur à Horst Köhler. Il faut dire que le dossier est brûlant : l’ONU exhorte l’Algérie, le Maroc, le Front Polisario et la Mauritanie à s’accorder pour trouver une solution pacifique. Mais le royaume chérifien estime que seules « les deux véritables parties prenantes devraient s’asseoir à la table des négociations ».
Si la désignation de Staffan de Mistura au poste d’envoyé spécial dans la région a déjà obtenu l’accord du Front Polisario, le 20 mai dernier, aucune objection de la part de Rabat n’empêche sa prise de fonctions. Mais, comme l’indique Africa Intelligence, Mohammed VI veut rester « maître des horloges dans le territoire contesté ». La lettre d’information assure que le Maroc acceptera le choix de Guterres, mais que le monarque joue la montre pour remporter rapidement de nouvelles victoires diplomatiques et se mettre en position de force dans ce dossier.
Plusieurs victoires diplomatiques de Rabat
D’ores et déjà, Rabat a fait un forcing impressionnant : avant la reconnaissance par l’administration Trump de sa souveraineté sur le territoire sahraoui, le Maroc avait obtenu la démission de Horst Köhler et avait repris le poste-frontière aux mains du Polisario, Guerguerat. Depuis, le Maroc a obtenu de la part de pays étrangers l’installation de plusieurs consulats à Dakhla et Laâyoune.
Alors, qu’attend donc Mohammed VI pour accepter la nomination de Staffan de Mistura ? Le Maroc pourrait bien accéder à la demande de l’ONU après avoir négocié diplomatiquement avec Madrid. Depuis l’hospitalisation de Brahim Ghali en Espagne, le royaume met la pression sur le gouvernement de Pedro Sanchez. Le Maroc a relâché, ces dernières semaines, les contrôles à sa frontière avec Ceuta, dans le but de faire plier Madrid. Le Maroc a laissé jusqu’au 1er juin à l’Espagne pour arrêter Ghali. Sauf que ce dernier pourrait bien rentrer en Algérie librement.
Début juin, donc, le Maroc n’aura donc logiquement pas obtenu de la part de l’Espagne une reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara Occidental. Mais le royaume joue encore un peu la montre, espérant un changement de cap de la part de Madrid. En cas de statu quo, il sera temps pour Mohammed VI d’accepter la désignation du nouvel envoyé spécial de l’ONU.