Alors que le conseil des ministres du nouveau gouvernement du Mali se réunissait dimanche. De plus en plus de Russes arrivent à Bamako. Que représente le Mali pour la Russie ?
Le gouvernement annoncé au Mali vendredi dernier a fait sa première réunion de cabinet hier. Les nouveaux ministres se sont réunis autour du Premier ministre, Choguel Maïga. Pendant ce temps, de nombreuses réunions citoyennes avaient lieu dans les rues de Bamako. Des activistes, jeunes et souvent coiffés de bérets à l’image du président Assimi Goïta, prêchaient une intervention russe au Mali. Contrairement au président, toutefois, ces bérets étaient rouges, non sans rappeler un président historique du Mali.
L’ombre de Moussa Traoré plane sur les rues maliennes. Et les populations appellent de plus en plus à l’aide des Russes. Contre quel danger ? Eh bien, le député sud-africain Julius Malema a exhorté, ce dimanche, la jeunesse africaine à « combattre par tous les moyens l’agenda impérialiste du colon français ». Selon plusieurs Maliens, le retrait des forces Barkhane au Mali, annoncé par Macron la semaine dernière, ne serait qu’une ruse. Toutefois, selon l’imam Mahmoud Dicko, personne d’autre que les Maliens, ne pourrait aider le Mali.
Pourquoi les manifestants de Bamako portent-ils donc des drapeaux russes ? Avant-même la chute du mur de Berlin, la Russie avait soutenu les guerres d’indépendance en Afrique. Cependant, dans le contexte de la guerre froide, chaque chef panafricain, panarabe, marxiste-léniniste ou socialiste africain a été assassiné, boycotté ou exilé. De Patrice Lumumba, en passant par Kwame Nkurumah, Thomas Sankara, Sékou Touré, Abdel Nasser ou Mouammar Kadhafi. La Russie représente pour plusieurs jeunes l’âge où l’Union soviétique, et ensuite la Russie, au contraire de l’occident, soutenait inconditionnellement l’Afrique. Mais aujourd’hui, les temps ont changé.
– Patrice Lumumba
– Winnie Mandela
– Thomas Sankara
Le combat pour lequel vous êtes mort, ne restera pas vain. Nous prions chaque jour que Notre Afrique soit unifiée. Pour que vive la paix et le bonheur. pic.twitter.com/cFuIaS9Gq3— 𝑴𝒓 𝑺𝒕𝒆𝒑𝒉💫™ (@Mr_Steph10) March 16, 2021
Choguel Maïga se rappelle au bon souvenir de l’Union soviétique
Retour au présent, la France et la Russie sont systématiquement opposées dans leurs agendas africains. Dans le cas du Mali, qui faisait partie du cercle d’influence français pendant des décennies, les échecs français s’accumulent. Rien ne peut traduire cet échec plus que le retrait militaire français au Sahel sur un bilan paraphé de défaites.
Puis, le jeune colonel Assimi Goïta a décidé depuis trois semaines de prendre le pouvoir. L’actuel président malien n’a, certes, aucun lien avec l’Est. Bien au contraire, ses déplacements à l’étranger dans le cadre de sa formation ont été occidentaux. Toutefois, le Premier ministre, Choguel Maïga, est un pur produit de l’Union soviétique et de la politique malienne.
Maïga est aussi un homme de communication, ainsi qu’un opposant politique de longue date. Le sentiment anti-français qui devient si flagrant au Mali qu’il ne puisse plus être caché par les médias français n’a pas échappé au Premier ministre. Toutefois, Choguel Maïga se montre conciliant, en homme d’Etat. Il a rassuré à deux reprises les « partenaires du Mali ». Il représente aussi le fer de lance de la gouvernance civile de Assimi Goïta.
Plusieurs électrons pivotent au sein de l’atome du Premier ministre. D’abord, l’imam Oumarou Diarra, inspiré par Michelle Mone autant qu’il est proche de l’imam Dicko. Ensuite, l’ancien maire de Bamako, Mohamed Lamine Haidara, alias Mao, serait selon Jeune Afrique le mentor et l’ami de Maïga. Puis, et avant tout, Ibrahim Ikassa Maïga est le bras droit du Premier ministre, ainsi qu’un socialiste notoire.
Clairement, d’autres membres du cercle de Choguel Maïga portent des idéologies très libérales et pro-occidentales. Néanmoins, le M5-RFP, en tant que composante forte du nouveau gouvernement, sans oublier les populations maliennes, ne sont pas du même avis. Et ce, depuis bien longtemps.
#Mali L’ambassadeur de Russie Igor Anatolievitch Gromyko a été reçu en audience par les dirigeants du Cnsp, avec à leur tête le colonel Assimi Goita. Le renforcement des relations entre les deux pays, la sécurité et la coopération militaire au centre des discussions. https://t.co/GdpSh6YTV4
— Nathalie Yamb (@Nath_Yamb) August 23, 2020
L’efficacité russe face à l’échec français
Le défi malien reste l’insécurité provoquée par les groupes armés terroristes. Or, c’est exactement là, la porte d’entrée rêvée de Moscou. Si la diplomatie russe est plus que propice à traiter avec le gouvernement malien, elle est intéressée aussi par le vide créé par Barkhane dans le futur. La diplomatie russe en Afrique s’est toujours appuyée sur l’accompagnement militaire, le secteur énergétique nucléaire et l’industrie de l’armement. Pour Vladimir Poutine et ses représentants en Afrique, le Mali n’est pas uniquement un enjeu géopolitique. Mais aussi un futur partenaire potentiel.
Ainsi donc, le modèle centrafricain est sur toutes les langues. Car la Russie en a fait, pendant les mois passés, son bastion africain. Et cela ne se compte pas en soldats ou en armes, où la Russie est beaucoup plus présente en Libye. En RCA, l’Etat a donné un avantage indéniable aux acteurs économiques et industriels russes. Qui travaillent maintenant à créer un écosystème dans un terrain inexploité. Car du temps de la présence française en Centrafrique, l’industrie française n’a qu’effleuré le potentiel économique du pays, en raison de la crise sécuritaire incontrôlable. Ce que la Russie à plié à hauteur de 60% en quelques mois. Grâce, notamment, à Evgueni Prigojine, le président du groupe paramilitaire Wagner et un proche de Poutine et du président centrafricain Touadéra.
Plusieurs vidéos sur les réseaux sociaux montrent « l’arrivée de l’armée russe au Mali ». Elles sont fabriquées, mais elles sont accompagnées de dizaines de milliers de messages de support. Ces derniers pourraient être russes ou maliens. Cependant, ces messages traduisent une volonté claire et réciproque de voir les deux pays collaborer.
Seeting journalier devant l’ambassade de Russie au Mali 🇲🇱 pour une demande de coopération tous les jours jusqu’à ce que nos autorités signe la coopération !!!
Merci camarade Ben 🙏🇲🇱🙏
Merci Yerewolo Débout sur les Remparts 🙏🇲🇱🙏
Vive la coopération Mali 🇲🇱 – Russie 🇷🇺 👏👏 pic.twitter.com/mYX4DzJdsT— Imprévisible 🇲🇱🇮🇪 (@Hadji1006) May 26, 2021
De la possibilité de l’intervention de la Russie au Mali
Un déploiement militaire, diplomatique et économique russe est toutefois virtuellement réalisable. On remarque de plus en plus de personnalités russes ou pro-russes qui arpentent les rues de Bamako.
D’abord, Sidi Traoré, un facilitateur de l’ONU, s’est présenté en compagnie de centaines d’activistes devant l’ambassade de la Russie au Mali. Il a alors déclaré : « Ce qu’on attend de la Russie, c’est ce qu’on attendait de la France. Et si on se tourne vers la Russie, c’est car nous observons ce qu’elle a fait en Syrie et en Centrafrique ». Avant de rajouter : « L’arrivée des militaires russes serait une bonne chose ».
Selon le briefing du 10 juin de la porte-parole du ministère russe des Affaires Etrangère, Maria Vladimirovna Zakharova : « la tension politique au Mali ami est en train de s’estomper », a-t-elle déclaré. Avant de continuer : « Cela a été facilité par l’investiture du président Assimi Goïta. (…) Nous considérons que la déclaration politique du nouveau gouvernement malien comme un signal positif ». Toutefois, le communiqué successif nie toute intention de la Russie de participer activement à la transition malienne. En l’occurrence, l’expression fétiche de la diplomatie russe y figure : « Problèmes africains – solutions africaines ». Sans doute, la Russie voudrait en premier temps éviter d’ouvrir un nouveau front diplomatique pour les hostilités avec la France. Cependant, la situation pourrait bien changer avec la détérioration des relations franco-maliennes.
Il faudrait aussi considérer que les 25 000 paramilitaires russes en Libye causent pas mal de pression diplomatique occidentale sur l’administration de Poutine. Toutefois, la transition malienne est parallèle à l’agenda électoral libyen. La réaffectation de ces troupes serait-elle possible dans les futurs mois ?
💬#Захарова: Следим за ситуацией в 🇲🇱#Мали. Внутриполитическая напряженность в стране «сходит на нет», чему способствовало вступление в должность Президента переходного периода Ассими Гоиты.
☝️Продолжим принимать участие в международных усилиях по стабилизации обстановки в Мали. pic.twitter.com/zx8dNWcRxB
— МИД России 🇷🇺 (@MID_RF) June 10, 2021