Après l’annonce du début de retrait des troupes érythréennes de la région du Tigré, les combats se poursuivent. Le doute plane quant à la véracité de l’annonce par l’Ethiopie du retrait érythréen.
L’armée éthiopienne mène actuellement au Tigré « une bataille importante sur huit fronts au nord et à l’ouest du pays », a déclaré dimanche le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed lors d’un discours officiel. Au Tigré, « la junte que nous avons éliminée en trois semaines est maintenant devenue une force de guérilla », a ajouté le Premier ministre éthiopien. « Leurs combattants se sont mêlés aux paysans et se sont déplacés hors de notre cercle d’influence. Désormais, nous ne sommes pas en mesure de les éliminer dans les trois mois », a admis Abiy Ahmed, bien embêté face à la situation.
Abiy Ahmed commence à perdre la face
Le gouvernement éthiopien fait face à une pression croissante pour mettre fin à la guerre au Tigré, qui a commencé en novembre lorsque le Premier ministre Abiy Ahmed y a déployé des troupes à la suite d’une attaque tigréenne contre des installations militaires et où la situation humanitaire est de plus en plus grave. Les dirigeants de la région ne reconnaissent pas l’autorité éthiopienne, après le report des élections nationales l’année dernière au milieu de la pandémie de coronavirus.
Vendredi, le G7 a publié une déclaration ferme appelant au retrait rapide des soldats éthiopiens du Tigré. Le Premier ministre éthiopien avait mis du temps à avouer la présence de l’armée voisine. Samedi dernier, il a finalement promis que les Érythréens avaient accepté de se retirer. La déclaration du G7 appelait en outre à la mise en place d’un processus politique clair et inclusif qui soit acceptable pour tous les Éthiopiens, y compris ceux du Tigré, et qui conduise à des élections crédibles et à un processus global de réconciliation nationale
Après avoir confirmé une présence érythréenne dans le Tigré, Abiy Ahmed a ensuite annoncé que les forces éthiopiennes avaient repris la garde de la frontière nationale. La pression sur le Premier ministre éthiopien s’est accrue après que les massacres et les actes dépravés commis par des soldats érythréens ont été signalés.
Les relations entre l’Ethiopie et l’Erythrée ont été marquées par une grande hostilité pendant des années après une guerre qui a éclaté en 1998. Abiy Ahmed a reçu le prix Nobel de la paix en 2019 pour sa solution passant par un compromis avec l’Érythrée. Cependant, l’hostilité entre l’Érythrée et le FLPT dans la région frontalière du Tigré a persisté.
Les Erythréens sont-ils vraiment partis ?
Selon le rapport de l’ONG International Crisis Group (ICG), appelé « La guerre au Tigré : une impasse meurtrière et dangereuse », les combats dans le centre et le sud du Tigré ont repris et ne risquent pas de s’arrêter si vite que cela.
On ne sait pas combien de soldats érythréens se sont retirés et certaines sources, au Tigré, disent que les Érythréens ne sont en réalité pas partis du tout. Certains dirigeants de la région ont déclaré que les soldats érythréens portaient parfois l’uniforme des forces armées éthiopiennes.
De plus en plus de rapports font état d’atrocités telles que des massacres et des viols, et les inquiétudes grandissent quant au manque de nourriture et de soins médicaux au Tigré, une région de 6 millions d’habitants.
L’isolement du centre de la région, en plus de la présence érythréenne, crée une situation humanitaire devenue ingérable. « Nous continuons de recevoir des informations sur des attaques contre des civils et des infrastructures, notamment des pillages et des actes de vandalisme de centres de santé, d’écoles, ainsi que divers cas de violence sexuelle, ce qui est inacceptable », affirme Stéphane Dujarric, porte-parole de l’ONU.
Les dernières confirmations des massacres aveugles et des exécutions sommaires ont été fournies par une enquête de la BBC : des soldats éthiopiens sont pointés du doigt, mais également Abiy Ahmed accusé d’avoir sciemment menti quant au prochain retrait des soldats érythréens.
En tout cas, sur le Tigré, l’Ethiopie et l’Erythrée semblent avoir des intérêts coïncidents. Pour preuve, le déplacement d’Abiy Ahmed à Asmara la semaine dernière pour y rencontrer le président Isaias Afwerki. D’avis de spécialistes, si une décision avait, à ce moment-là, été prise quant à un retrait imminent des troupes érythréennes, l’annonce de ce retrait aurait été faite par Afwerki, et non par le Premier ministre éthiopien.