En Libye, l’alliance de Benghazi, dirigée par Aguila Salah, semble déterminée à nommer, ce mardi 8 février, un nouveau gouvernement. Mais est-ce réellement possible ?
Un large consensus qui ne dit pas son nom se forme en Libye. Mais contre toute attente, la tendance est plutôt au maintien du gouvernement d’unité nationale (GNU) d’Abdel Hamid Dbeibah, et à la recherche d’une date pour le référendum constitutionnel et pour les élections, déjà reportées par deux fois.
De son côté, l’alliance formée par Aguila Salah, Ahmed Miitig, Fathi Bachagha et Khalifa Haftar est de plus en plus isolée. Les quatre dirigeants de l’est continuent à soutenir l’agenda de Salah, qui se verrait bien remplacer Abdel Hamid Dbeibah à la tête du gouvernement.
Mais les cartes pourraient bien être rebattues : le vice-président de la Chambre des représentants (HoR) — le Parlement de Tobrouk dirigé par Aguila Salah —, Fawzi al-Nuwairi, a tenu une réunion avec 62 députés pour contrecarrer les plans de Salah. Al-Nuwairi a appelé à ce que la session parlementaire de ce mardi permettre de trouver une date pour les prochaines élections, mais exclut la nomination d’un nouveau Premier ministre.
L’initiative d’Aguila Salah « mort-née » ?
Pour rappel, Aguila Salah avait déjà, unilatéralement, ouvert les candidatures pour le poste fin janvier. Plusieurs candidats se sont présentés, notamment les deux alliés politiques de Salah, Ahmed Miitig et Fathi Bachagha.
Néanmoins, sans le soutien de ses députés, Aguila Salah aura de la peine à asseoir l’autorité d’un Premier ministre qu’il nommerait seul. Sans oublier que, depuis le départ, la décision de changer de chef du gouvernement, prise par Benghazi, semblait impossible à appliquer.
Ce que le patron du Sénat, Khaled al-Michri, a rappelé ce dimanche. Le chef du haut Conseil d’Etat (HCS) a averti que, au cas où la HoR envisageait un « changement unilatéral de l’autorité exécutive », cette décision serait « mort-née ».
Du côté des diplomaties occidentales, on abonde dans ce sens. La cheffe par intérim de la MANUL, l’Américaine Stephanie Williams, avait déjà annoncé qu’elle était contre un quelconque changement à la tête de l’exécutif.
Selon Africa Intelligence, la diplomate aurait menacé le maréchal de l’est, en outre allié d’Aguila Salah, Khalifa Haftar, que son procès pour « crimes de guerre » pouvait reprendre aux Etats-Unis. Une épée de Damoclès censée dissuader Haftar d’abonder dans le sens d’Aguila Salah.
La Turquie et la Russie sur la même longueur d’ondes
Autre surprise, le consensus concernant la feuille de route de la transition, qui n’est pas uniquement soutenu par les Américains, l’ONU et les autorités de Tripoli. La Turquie et la Russie semblent en effet toutes deux déterminées à faire barrage à Aguila Salah.
Pour Ankara, il s’agit de poursuivre le seul agenda qui permettra, à la fois, de créer une unité entre l’est et l’ouest libyens, mais aussi d’envisager une présence turque à Benghazi, où Ankara compte ouvrir un consulat.
Du côté russe, contre toute attente, la seconde vague du retrait des forces de Wagner a commencé ce dimanche, avec le rapatriement de plus de 300 mercenaires syriens, travaillant comme gardes pour les installations pétrolières contrôlées par Haftar. Il s’agit de la seconde brigade rapatriée par Wagner, après le retrait de la 42e brigade stationnée à Al Djoufrah, dans le centre libyen, en janvier.
Un mouvement de Wagner probablement téléguidé par la Russie, qui se retrouve à son tour sur la même longueur d’ondes avec l’entente entre le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhail Bogdanov et le chef du Conseil présidentiel, Mohammed el-Menfi.
Les deux hommes s’étaient rencontrés à Addis-Abeba samedi dernier. Bogdanov, de son côté, a annoncé le soutien de Moscou à une solution qui aboutirait à des élections en Libye, si celles-ci se tenaient dans un climat de paix et d’unité nationale.
El-Menfi, pour sa part, a appelé la Russie à soutenir le rapatriement des combattants étrangers. Une position que le président libyen a également tenue devant l’Assemblée de l’Union africaine, où il a exhorté les dirigeants à prendre fait et cause pour une transition libyenne souveraine.