Après la reprise de Mekele, la capitale du Tigré, par le FLPT, et la fin des élections législatives en Ethiopie, Abiy Ahmed est enfin sorti de son silence. Sur le Tigré, autant que la crise du GERD, le Premier ministre éthiopien avance ses pions.
Selon un communiqué publié hier soir, par le gouvernement égyptien, l’Ethiopie aurait unilatéralement repris le remplissage du barrage de la Renaissance (GERD). Au même moment, Abiy Ahmed a fait sa première apparition depuis deux semaines.
Pris de court par la dénonciation égyptienne, Ahmed n’a pas commenté sur sa décision. En effet, la reprise du remplissage du GERD survient quelques jours avant que le Conseil de sécurité de l’ONU ne puisse intervenir. Une intervention qui aurait bien pu épargner à l’Ethiopie une hausse des hostilités vis-à-vis du Soudan et de l’Egypte. Et qui a été réclamée en guise de dernière mesure diplomatique de résoudre le conflit sur les eaux du Nil.
Comme si cette relance des hostilités avec ses voisins du Nord ne suffisait pas, Abiy Ahmed s’est aussi exprimé sur le Tigré. Il a d’abord précisé que son gouvernement opte pour « une période de silence, pour que tout le monde réfléchisse ». Toutefois, il en est directement passé aux menaces. Abiy Ahmed promet que « dans trois semaines, 100 000 soldats des forces spéciales seront mobilisés au Tigré ». Il continue ensuite : « Si cette force ne suffit pas, un demi-million de miliciens peuvent être déployés. Et un million de jeunes seront formés et mobilisés pour résoudre ce problème ».
Le TPLF sont des fins politiques, ils savent que leur avenir est à l’intérieur de l’Éthiopie mais en gardant leur autonomie. L’idée de reprendre le pouvoir central n’est plus leur objectif du fait de l’absence d’assise populaire pour gouverner durablement : ils sont lucides.
— MOHAMED YACIN AHMED (@nonomati1) July 4, 2021
Abiy Ahmed prend acte de ses propres menaces
Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, ne prend donc pas en compte l’enjeu national ou africain. Que ça soit dans la résolution de la crise du Gerd, ou dans la gestion de la guerre du Tigré, il reste droit dans ses bottes. Il sous-estime ainsi ses deux antagonistes militaires principaux. D’un côté, l’Egypte a dédoublé ses capacités logistiques militaires en quelques mois, à peine. D’un autre côté, les rebelles du FLPT ont gagné du terrain au Tigré, contre toute attente.
Mais, surtout, Abiy Ahmed outrepasse la totalité absolue des recommandations de l’ONU. Premièrement, en réponse aux demandes de l’accès des aides humanitaires au Tigré, l’armée éthiopienne a détruit le seul accès terrestre, le pont stratégique de Tekeze. Deuxièmement, et en attente de la réunion du Conseil de sécurité autour du GERD, Abiy Ahmed envenime la situation en lançant le remplissage du barrage unilatéralement. Troisièmement, il balaye complètement les conditions du FLPT, pour l’atteinte d’un consensus sur le cessez-le-feu au Tigré. Une trêve que le gouvernement d’Abiy Ahmed avait proposé, initialement.
#Tigray: Ireland, US, UK request an open meeting of the UN Security Council to discuss developments in #Ethiopia, diplomats say. So far the Council has been unable to meet publicly on the situation due to opposition from some other #UNSC members.
— Amanda Price (@amandaruthprice) June 28, 2021
Le FLPT et l’Egypte réagissent
Pour le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), le cessez-le-feu annoncé par l’armée éthiopienne serait « une blague ». Pourtant, au vu de la situation humanitaire dans le Nord éthiopien, le FLPT s’est exprimé officiellement jeudi dernier. Et le chef du groupe, donné pour mort, Debretsion Gebremichael, a annoncé que si l’Ethiopie ne lâchait pas du lest, le FLPT sera contraint de continuer le combat.
Toutefois, le FLPT a publié un communiqué dimanche, annonçant qu’il serait prêt à respecter un cessez-le-feu, contre quelques conditions. Le FLPT exige donc que l’armée érythréenne se retire du Tigré. Il demande aussi que Abiy Ahmed et Isaias Afwerki soient assujettis à des « procédures » pour déterminer leur responsabilité dans les massacres. Des conditions qu’Abiy Ahmed n’a même pas abordé dans son discours lundi.
Sur le Gerd, en contrepartie, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a déclaré : « les négociations ne devraient pas se poursuivre indéfiniment ». Il avait tenu une grande cérémonie d’inauguration de sa nouvelle base navale, jonchée d’armement moderne importé d’Europe. En l’occurrence, l’Egypte avait acheté en deux ans 54 avions de combat français Rafale, pour un coût total de 10 milliards de dollars. L’intimidation de l’Ethiopie est, selon plusieurs analystes, le premier but de la course à l’armement égyptienne.
Le ministre égyptien des Affaires Etrangères, Sameh Choukri, a adressé une note à l’ONU. On y lit : « La politique hostile de l’Ethiopie a sapé nos efforts collectifs pour parvenir à un accord ». Pour l’Egypte, le GERD est une menace existentielle. Le pays dépend à hauteur de 87 % des eaux du Nil pour son irrigation et son eau potable. Et maintenant que l’Ethiopie est passée à la seconde phase du remplissage du GERD, l’heure des menaces est déjà dépassée. Verra-t-on des actes d’agression militaires de la part de l’Ethiopie, de l’Egypte ou du Soudan ?
THREAD: Fresh brown water is flooding into the Grand Ethiopian Renaissance Dam (GERD), following an announcement by Ethiopia that it will begin the dam's 2nd filling phase.
Egypt has "rejected" the decision, & the risk of conflict between Ethiopia, Sudan & Egypt is rising. (1/6) pic.twitter.com/fsB0PXqL30
— Michael Cruickshank (@MJ_Cruickshank) July 6, 2021